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Page:La Saga du scalde Egil Skallagrimsson, trad. Wagner, 1925.djvu/69

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Finnmörk ; ainsi vous vous rendez un compte exact de l’étendue de la perte que vous faites, lorsque Thorolf gaspille du tout au tout la part qui vous revient. Nous étions, pendant l’hiver, trois cents dans « les forêts », suivant l’usage observé jusqu’ici par les fonctionnaires. Voilà que Thorolf y arrive avec cent hommes. Nous avons appris qu’il a manifesté l’intention de nous mettre à mort, nous deux et tous les gens de notre troupe ; et le prétexte qu’il invoque, c’est que vous, notre roi, vous nous avez conféré la charge qu’il convoitait. Dans ces conditions, nous avons jugé plus opportun d’éviter sa rencontre et de nous mettre en sûreté ; et, pour cette raison, en passant dans les montagnes, nous ne nous écartions guère des endroits habités. Thorolf, de son côté, traversa la région de part en part avec sa troupe. Il fit tout le négoce ; c’est à lui que les Finnois payèrent le tribut ; et il eut soin de veiller à ce que vos fonctionnaires ne pénétrassent pas dans le pays. Il médite de revenir dans les contrées du Nord, tant au Finnmörk qu’au Halogaland, et il est étonnant que vous ne mettiez pas obstacle à la réussite de ses projets. Il existe des témoignages certains que Thorolf cherche à exploiter cette terre à son profit, car le plus grand bateau[1] du Halogaland a été construit au printemps à Sandnes, et l’on prétendait que toute la caigaison en appartenait à Thorolf seul. Je crois qu’elle consistait presque tout entière en fourrures grises, et je pense aussi qu’il devait s’y trouver plus de peaux de castor et de zibeline que Thorolf ne vous en a rapporté. Thorgils Gjallandi dirigeait. Il me semble qu’il a fait voile vers l’Ouest, du côté de l’Angleterre. Si donc vous voulez savoir la vérité à ce sujet, faites prendre des informations sur le voyage de Thorgils, quand il reviendra au pays. Je pense, en effet, qu’à l’époque où nous vivons, il n’existe pas de vaisseau renfermant d’aussi grandes richesses. À mon avis, pour dire toute la vérité, c’est à vous, ô roi, qu’appartient tout penning[2] qui s’y trouve[3]. »

  1. Isl. knörr, voilier de grandes dimensions et capable d’affronter la haute mer. Il servait aux besoins commerciaux aussi bien qu’aux entreprises guerrières en lointains pays.
  2. Un « penning » valait le dixième d’une once.
  3. Tout ce récit est imaginé par Harek.