Page:La Sainte Bible, trad. Segond.djvu/1272

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qui, sous une première apparence de confusion, laissent percer des traces de plus ou moins de parenté, de plus ou moins d’indépendance, si on les compare les unes aux autres.

Il y avait là pour qui était tenté de se mettre à la poursuite du texte primitif une ample moisson de matériaux. Mais aussi quel labeur ! quelles difficultés ! quelles impossibilités ! Plus d’autographes, plus de copies immédiates ; seulement des copistes de copistes, avec leurs imperfections et leurs erreurs ; et, pour les redresser, des hommes également faillibles, incapables d’arriver à des résultats complets, dégagés de toute incertitude. Il faudrait, en effet, connaître et étudier à fond tous les manuscrits existants, les comparer entre eux, en constater les divergences ou variantes, poser des règles sûres pour guider dans leur choix, appliquer ces règles en procédant pratiquement au triage, et, pour couronnement de l’œuvre, produire une édition parfaite, fruit de toutes ces conditions réunies. Qui est, qui sera jamais suffisant ? — N’importe : ce qu’un savant ne saurait atteindre à lui seul, d’autres peuvent l’essayer et lui venir en aide ; ce qu’une génération ne saurait accomplir, d’autres peuvent s’efforcer de le faire et se rapprocher du but. Et si nos Réformateurs, avec leurs principes sur l’infaillibilité absolue des Ecritures, se sont peu préoccupés du soin de découvrir des variantes, il s’est trouvé plus tard des personnes douées de ces qualités que réclament au plus haut degré des études patientes et de longue haleine. La carrière une fois ouverte, beaucoup s’y sont jetés avec ardeur, et les recherches ont été se multipliant jusqu’à nos jours. En 1707, l’Anglais Mill, après un immense labeur, constatait déjà l’existence de trente mille variantes pour le Nouveau Testament. Bien des noms célèbres mériteraient d’être cités à côté du sien, jusqu’à ceux de Lachmann, de Tregelles, et de Tischendorf, qui, associant leurs travaux aux travaux de leurs devanciers, ont imprimé chacun des éditions critiques, dans le but de ramener le texte grec, sinon à son état primitif, du moins à une pureté relative. C’est ainsi que, prenant naissance il y a deux siècles, l’histoire et la critique du texte sont devenues une science, dont les résultats considérables ne sauraient être envisagés avec indifférence par les traducteurs des Livres Saints. A la vérité, tout n’est pas à l’abri de contestations et de doutes, tous les manuscrits ne sont pas encore collationnés, ni même sans doute découverts : le plus important à certains égards, celui du Sinaï, ne l’est que depuis vingt ans. Mais, s’il reste des progrès à faire dans la science dont nous parlons, comme dans toute autre science, ce n’est point un motif pour ne pas apprécier et utiliser les progrès réalisés.


II

Reportons-nous maintenant à l’époque où, pour la première fois, on vit paraître imprimé un texte grec du Nouveau Testament. C’était en 1516, bien avant le mouvement scientifique dont nous avons rapidement décrit les phases et la portée, et néanmoins, chose à remarquer, quatre-vingts ans après l’invention de l’imprimerie par Gutenberg à Mayence, alors que l’art typographique avait déjà reproduit la Bible en hébreu, en latin, etc.

Donc en 1516, Érasme, de Rotterdam, fit imprimer à Bâle un Nouveau Testament grec. On se servit à cet effet de deux manuscrits du treizième et du quinzième siècle, qui se trouvaient à la bibliothèque de Bâle, et d’une