Page:La Sainte Bible, trad Crampon, édition 1923.djvu/520

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jours de fêtes seront changés en gémissements et en deuil.” 7Puis, quand le soleil fut couché, il sortit et mit le corps en terre. 8Tous ses voisins le blâmaient en disant : “On a déjà ordonné de te faire mourir pour ce sujet, et à peine as-tu échappé à cet arrêt de mort, que tu recommences à donner aux morts la sépulture !” 9Mais Tobie, craignant plus Dieu que le roi, enlevait les corps de ceux qui avaient été tués, les cachait dans sa maison et les inhumait pendant la nuit.[1]

10Un jour qu’il s’était fatigué à donner la sépulture aux morts, étant rentré à sa maison, il se jeta au pied de la muraille et s’endormit. 11Pendant qu’il dormait,[2] il tomba d’un nid d’hirondelles de la fiente chaude sur ses yeux, et il devint aveugle. 12Dieu permit que cette épreuve lui arrivât, afin que sa patience, comme celle du saint homme Job, fût donnée en exemple à la postérité. 13Car, ayant toujours craint Dieu dès son enfance et observé ses commandements, il ne s’attrista pas contre Dieu de ce que le malheur de la cécité l’avait atteint. 14Mais il resta inébranlable dans la crainte de Dieu, lui rendant grâces tous les jours de sa vie.

15De même que les chefs de tribu insultaient au bienheureux Job, ainsi les parents et les amis de Tobie raillaient sa conduite, en disant : 16“Qu’est devenue ton espérance, pour laquelle tu faisais des aumônes et donnais la sépulture aux morts ?” 17Tobie les reprenait en disant : “Ne parlez pas ainsi ; 18car nous sommes enfants des saints,[3] et nous attendons cette vie que Dieu doit donner à ceux qui ne lui retirent jamais leur fidélité.”

19Anne, sa femme, allait tous les jours tisser de la toile et, par le travail de ses mains, elle rapportait, pour leur entretien, ce qu’elle pouvait gagner.[4] 20Il arriva ainsi qu’ayant reçu un chevreau,[5] elle l’apporta à la maison. 21Son mari, ayant entendu le bêlement du chevreau dit : “Voyez si ce chevreau n’aurait pas été dérobé, et rendez-le à son maître, car il ne nous est pas permis de rien manger qui provienne d’un vol, ni même d’y toucher.”[6] 22Alors sa femme répondit avec colère : “Il est manifeste que ton espérance est devenue vaine ; voilà ce que t’ont rapporté tes aumônes !” 23C’est par ces discours et d’autres semblables qu’elle l’injuriait.


Alors Tobie, ayant poussé un soupir, commença à prier avec larmes, 2en disant : “Vous êtes juste, Seigneur ; justes sont tous vos jugements, et toutes vos voies sont miséricorde, vérité et justice. 3Et maintenant, Seigneur, souvenez-vous de moi ; ne tirez pas vengeance de mes péchés, et ne rappelez pas en votre mémoire mes offenses, ou celles de mes ancêtres. 4Car nous n’avons pas obéi à vos préceptes ; c’est pourquoi nous avons été livrés au pillage, à la captivité, à la mort, à la risée et à l’opprobre parmi toutes les nations au sein desquelles vous nous avez dispersés. 5Et maintenant, Seigneur, vos châtiments sont grands, parce que nous n’avons pas agi selon vos préceptes et que nous n’avons pas marché sincèrement devant vous. 6Et maintenant, Seigneur, traitez-moi selon votre volonté, et commandez que mon esprit soit reçu en paix, car il est meilleur pour moi de mourir que de vivre.”[7]

  1. 9 sv. Le vers. 9 manque dans les manuscrits gr. et dans l’Ital., et le vers. 10, rattachant ce qui suit à ce qui précède, commence ainsi:Cette nuit là même, comme fêtais couché, étant impur, au pied de la muraille, etc. En touchant le cadavre, Tobie avait contracté une souillure lévitique. Trop fatigué pour s’en purifier immédiatement par une ablution (Nombr. xix, 2-22), il n’entra pas dans sa maison, pour ne pas communiquer aux siens son impureté. La Vulg. semble distinguer deux faits là où le grec n’en voit qu’un seul.
  2. 11. Pendant qu’il dormait ; en grec., mes yeux étant ouverts. — Hirondelles ; le mot gr. désigne toute espèce de petits oiseaux. D’après l’Ital., l’accident arrivé à Tobie ne lui causa qu’une inflammation des yeux, laquelle, par la faute des médecins, amena une cécité complète. — Après le récit de l’accident, le grec ajoute : Achiacharus pourvut à mon entretien jusqu’à mon (son ?) départ pour l’Elymaïde.
  3. 18. Des saints, des patriarches, tels que Abraham, Isaac et Jacob, qui ont supporté courageusement les épreuves, dans l’attente de l’éternelle récompense (Hébr. xi, 3 sv.). Ces paroles ne se lisent que dans la Vulgate, ainsi que la comparaison de Tobie avec Job, vers. 12-15.
  4. 19. Après ce que dit la Vulgate (i, 25) on est un peu surpris de voir la famille de Tobie réduite à la pauvreté par le seul fait de la cécité du père ; le grec ne dit point que tous les biens furent rendus à Tobie, mais seulement qu’il retrouva sa maison, sa femme et son fils (ii, 1).
  5. 20. Ayant reçu un chevreau, “en présent, outre son salaire” ajoute le grec.
  6. 21, 22. Dans le grec, Anne répond à Tobie e n lui expliquant l’origine du chevreau, mais Tobie ne la croit pas et insiste sur la restitution. C’est alors qu’interviennent les imprécations d’Anne.
  7. III, 6. Grec : Et maintenant, traitez moi selon votre bon plaisir. Ordonnez que mon esprit me soit enlevé, afin que je meure et devienne terre ; car mieux vaut pour moi mourir que vivre, car j’entends de faux reproches, et c’est pour moi un grand chagrin. Ordonnez que je sois maintenant délivré de la détresse et que j’aille vers le lieu éternel; ne détournes pas de moi votre visage.