Page:La Sainte Bible, trad Crampon, édition 1923.djvu/613

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que tu veux. Mais ne crois pas que notre race soit abandonnée de Dieu. 17Pour toi, attends, et tu verras sa grande puissance, comme il te tourmentera toi et ta race.”

18Après lui, on amena le sixième. Près de mourir, il dit : “Ne te fais pas de vaine illusion ; c’est nous-mêmes qui nous sommes attiré ces maux, en péchant contre notre Dieu ; aussi nous est-il arrivé d’étranges calamités. 19Mais toi, ne t’imagines pas que tu seras impuni, après avoir osé combattre contre Dieu.”

20La mère, admirable au-dessus de toute expression et digne d’une illustre mémoire, voyant mourir ses sept fils dans l’espace d’un seul jour, le supporta généreusement, soutenue par son espérance dans le Seigneur. 21Elle exhortait chacun d’eux en la langue de ses pères et, remplie des plus nobles sentiments, elle raffermissait par un mâle courage sa tendresse de femme. 22Elle leur disait : “Je ne sais comment vous avez apparu dans mes entrailles ; ce n’est pas moi qui vous ai donné l’esprit et la vie ; ce n’est pas moi qui ai assemblé les éléments qui composent votre corps. 23C’est pourquoi le Créateur du monde, qui a formé l’homme à sa naissance et qui préside à l’origine de toutes choses, vous rendra dans sa miséricorde et l’esprit et la vie, parce que maintenant vous vous méprisez vous-mêmes pour l’amour de sa loi.”

24Antiochus se crut insulté[1] et soupçonna un outrage dans ces paroles. Comme le plus jeune était encore en vie, non seulement il lui adressa des exhortations, mais il lui promit avec serment de le rendre riche et heureux, s’il abandonnait les lois de ses pères, d’en faire son ami et de lui confier de hauts emplois. 25Le jeune homme ne prêtant à ces offres aucune attention, le roi appela la mère et l’engagea à donner à l’adolescent des conseils de salut. 26Lorsqu’il l’eut longtemps exhortée, elle accepta de persuader son fils. 27S’étant donc penchée vers lui et raillant le tyran cruel, elle parla ainsi dans la langue de ses pères : “Mon fils, aie pitié de moi, qui t’ai porté neuf mois dans mon sein, qui t’ai allaité trois ans, qui t’ai entretenu, nourri et élevé jusqu’à l’âge où tu es. 28Je t’en conjure, mon enfant, regarde le ciel et la terre, vois tout ce qu’ils contiennent, et sache que Dieu les a créés de rien, et que la race des hommes est arrivée ainsi à l’existence. 29Ne crains pas ce bourreau, mais sois digne de tes frères et accepte la mort, afin que je te retrouve, avec tes frères, au temps de la miséricorde.”

30Comme elle parlait encore, le jeune homme dit : “Qu’attendez-vous ? Je n’obéis pas aux ordres du roi ; j’obéis aux prescriptions de la loi qui a été donnée par Moïse à nos pères. 31Et toi, l’auteur de tous les maux déchaînés sur les Hébreux, tu n’éviteras pas le bras de Dieu. 32Car c’est à cause de nos péchés que nous souffrons ; 33et si, pour nous châtier et nous corriger, notre Seigneur, qui est vivant, nous a montré un moment sa colère, il se réconciliera avec ses serviteurs. 34Mais toi, ô impie et le plus scélérat de tous les hommes, ne t’enorgueillis pas follement, te livrant à de vaines espérances, quand tu lèves la main contre les serviteurs de Dieu[2] ; 35car tu n’as pas encore échappé au jugement du Dieu tout-puissant qui surveille toutes choses. 36Nos frères, après avoir enduré une souffrance passagère, sont échus à l’alliance de Dieu pour une vie éternelle ; mais toi, par le jugement de Dieu, tu porteras le juste châtiment de ton orgueil. 37Quant à moi, ainsi que mes frères, je livre mon corps et ma vie pour les lois de mes pères, suppliant Dieu d’être bientôt propice envers son peuple et de t’amener, par les tourments et la souffrance, à confesser qu’il est le seul Dieu, 38et puisse, en moi et en mes frères, s’arrêter la colère du Tout-Puissant, justement déchaînée sur toute notre race !” 39Le roi, transporté de fureur, sévit contre celui-ci plus cruellement encore que contre les autres, ne pouvant supporter qu’on se jouât de lui. 40Ainsi mourut ce jeune homme, pur de toute idolâtrie et se confiant entièrement au Seigneur.

41Enfin la mère mourut la dernière, après ses enfants.

42Mais en voilà assez au sujet des sacrifices et des excessives cruautés d’Antiochus.

  1. 24. Se crut insulté ; il ne comprenait pas la langue dont se servait la mère.
  2. 34. Serviteurs de Dieu, m. à m. du ciel.