Page:La Sainte Bible, trad Crampon, édition 1923.djvu/647

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4. Chap. xix, 1-29 : Réponse de Job.A ses amis indiscrets, Job déclare que son malheur vient de Dieu (xix, 1-6). Accablé de maux (xix, 7-12), privé de tout soutien (xix, 13-20), il en appelle à la pitié de ses amis (xix, 21, 22). En vain ! Il exprime avec une force nouvelle sa confiance en l’intervention suprême de Dieu (xix, 23-27). Confusion future de ses amis (xix, 28, 29).

Alors Job prit la parole et dit :

2Jusques à quand affligerez-vous mon âme, et m’accablerez-vous de vos discours ? 3Voilà dix fois que vous m’insultez, que vous m’outragez sans pudeur. 4Quand même j’aurais failli, c’est avec moi que demeure ma faute. 5Mais vous, qui vous élevez contre moi, qui invoquez mon opprobre pour me convaincre, 6sachez enfin que c’est Dieu qui m’opprime, et qui m’enveloppe de son filet.

7Voici que je crie à la violence, et nul ne me répond ! J’en appelle, et point de justice ! 8Il m’a barré le chemin, et je ne puis passer : il a répandu les ténèbres sur mes sentiers. 9Il m’a dépouillé de ma gloire, il a enlevé la couronne de ma tête. 10Il m’a sapé tout à l’entour, et je tombe ; il a déraciné, comme un arbre, mon espérance. 11Sa colère s’est allumée contre moi ; il m’a traité comme ses ennemis. 12Ses bataillons sont venus ensemble, ils se sont frayés un chemin jusqu’à moi, ils font le siège de ma tente.

13Il a éloigné de moi mes frères ; mes amis se sont détournés de moi. 14Mes proches m’ont abandonné, mes intimes m’ont oublié. 15Les hôtes de ma maison et mes servantes me traitent comme un étranger ; je suis un inconnu à leurs yeux. 16J’appelle mon serviteur, et il ne me répond pas ; je suis réduit à le supplier de ma bouche. 17Ma femme a horreur de mon haleine, je demande grâce aux fils de mon sein.[1] 18Les enfants eux-mêmes me méprisent ; si je me lève, ils me raillent. 19Tous ceux qui étaient mes confidents m’ont en horreur, ceux que j’aimais se tournent contre moi. 20Mes os sont attachés à ma peau et à ma chair, je me suis échappé avec la peau de mes dents. 21Ayez pitié, ayez pitié de moi, vous du moins, mes amis, car la main de Dieu m’a frappé ! 22Pourquoi me poursuivez-vous, comme Dieu me poursuit ? Pourquoi êtes-vous insatiables de ma chair ?[2]

23Oh ! Qui me donnera que mes paroles soient écrites ! Qui me donnera qu’elles soient consignées dans un livre, 24qu’avec un burin de fer et du plomb, elles soient pour toujours gravées dans le roc !

  1. 17. Les fils de mon sein, c.-à-d. mes frères, les fils du même sein que moi.
  2. 22. Dévorer la chair de quelqu’un, dans les langues sémitiques, c’est le calomnier, le déchirer par la langue. Comp. le latin rodere, et en fr. paroles mordantes.