Page:La Sainte Bible, trad Crampon, édition 1923.djvu/658

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21On m’écoutait et l’on attendait, on recueillait en silence mon avis. 22Après que j’avais parlé, personne n’ajoutait rien ; ma parole coulait sur eux comme la rosée. 23Ils m’attendaient comme on attend la pluie ; ils ouvraient la bouche comme aux ondées du printemps. 24Si je leur souriais, ils ne pouvaient le croire ; ils recueillaient[1] avidement ce signe de faveur. 25Quand j’allais vers eux, j’avais la première place, je siégeais comme un roi entouré de sa troupe, comme un consolateur au milieu des affligés.



Et maintenant, je suis la risée d’hommes plus jeunes que moi, dont je n’aurais pas daigné mettre les pères parmi les chiens de mon troupeau.[2] 2Qu’aurais-je fait de la force de leurs bras ? Ils sont privés de toute vigueur.[3] 3Desséchés par la misère et la faim, ils broutent le désert, un sol depuis longtemps aride et désolé. 4Ils cueillent sur les buissons des bourgeons amers, ils n’ont pour pain que la racine des genêts. 5On les écarte de la société des hommes, on crie après eux comme après le voleur. 6Ils habitent dans d’affreuses vallées, dans les cavernes de la terre et les rochers. 7On entend leurs cris sauvages parmi les broussailles, ils se couchent ensemble sous les ronces : 8gens insensés, race sans nom, bannis avec mépris de la terre habitée !

9Et maintenant je suis l’objet de leurs chansons, je suis en butte à leurs propos. 10Ils ont horreur de moi, ils me fuient, ils ne détournent pas leur crachat de mon visage. 11Ils se donnent libre carrière[4] pour m’outrager, ils rejettent tout frein devant moi. 12Des misérables se lèvent à ma droite, ils cherchent à ébranler mes pieds, ils frayent jusqu’à moi leurs routes meurtrières. 13Ils ont bouleversé mes sentiers, ils travaillent à ma ruine, eux à qui personne ne porterait secours. 14Ils fondent sur moi, comme par une large brèche, ils se précipitent parmi les décombres. 15Les terreurs m’assiègent, ma prospérité est emportée comme un souffle, mon bonheur a passé comme un nuage.

16Et maintenant, mon âme s’épanche en moi, les jours d’affliction m’ont saisi.

  1. 24. Ils recueillaient etc. M. à m. Ils ne laissaient pas tomber la lumière de ma face. D’autres : On ne pouvait chasser la sérénité de mon front.
  2. XXX, 1. Les hommes dont va parler Job (vers. 1 sv.) sont, non pas ses amis, mais ce qui restait des habitants primitifs de l’Idumée, chassés de leurs demeures par les enfants d’Esaü, race dégénérée et sans vigueur, habitant des cavernes et ne vivant que de rapines (comp. xxiv, 5, 6).
  3. 2. Ils sont privés de toute vigueur. Vulg., on les regardait même comme indignes de vivre. Ce n’est pas le seul endroit de ce chap, où S. Jérôme semble avoir eu sous les yeux une leçon différente du texte hébreu actuel.
  4. 11. Ils se donnent libre carrière : litt., il (chacun d’eux) a relâché sa corde (ketib). Le qerey porte : il (Dieu) a relâché ma corde, la corde de mon arc, ma vigueur (comp. xxix, 20), en me frappant d’un mal affreux, et ils en profitent pour me manquer de respect en toute liberté, Le Hir, avec la Vulg., traduit le 2e membre : ils me mettent un frein à la bouçhe.