Page:La Société nouvelle, année 11, tome 1, volume 21, 1895.djvu/100

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pues que l’on ait jamais atteintes sur terre ; elle est peut-être même à l’étiage de l’évolution descendante du type divin : Dieu dégénéré en contradiction de la vie, au lieu d’être sa glorification et son éternel oui ! Déclarer la guerre, en Dieu, à la vie, à la nature, à la volonté de vivre ! Dieu, la formule pour toutes les calomnies de l’« en-deçà », pour tous les mensonges de l’« au-delà » ! Le néant divinisé en Dieu, la volonté du néant sanctifiée !…


XIX


Que les fortes races du nord de l’Europe n’aient pas repoussé le Dieu chrétien, ne fait vraiment pas honneur à leur don religieux, pour ne pas parler de leur goût. Ils auraient dû en finir de ce produit de la décadence maladive et débile. Voilà pourquoi repose sur eux une malédiction : ils ont absorbé, dans tous leurs instincts, la maladie, la vieillesse, la contradiction, depuis lors ils n’ont plus créé de Dieu ! Deux mille ans presque, et pas un seul nouveau Dieu ! Hélas, il subsiste toujours, comme un ultimatum et un maximum de la force créatrice du divin, du creator spiritus dans l’homme, ce pitoyable Dieu du monotono-théisme chrétien ! Cet édifice de décombres né de zéro, de notions et de contradictions, où tous les instincts de décadence, toutes les lâchetés et toutes les fatigues de l’âme trouvent leur sanction !


XX


Par ma condamnation du christianisme, je ne voudrais pas avoir fait tort à une religion parente qui le dépasse même par le nombre de ses croyants : le bouddhisme. Tous les deux vont ensemble en tant que religions nihilistes — ce sont des religions de décadence — tous les deux sont séparées de la plus singulière manière. Le critique du christianisme est profondément reconnaissant aux indianisants de pouvoir les comparer maintenant. — Le bouddhisme est cent fois plus réaliste que le christianisme, — il porte en lui l’héritage de savoir objectivement et froidement poser des problèmes, il vient après un mouvement philosophique de plusieurs siècles, l’idée de « Dieu » dans sa genèse est déjà fixée quand il arrive. Le bouddhisme est la seule religion vraiment positiviste que nous montre l’histoire, même dans sa théorie de la connaissance (un strict phénoménalisme) — il ne dit plus « lutte contre le péché », mais, donnant droit à la réalité, « lutte contre la souffrance ». Il a déjà derrière lui, et cela le distingue profondément du christianisme, l’illusion volontaire des conceptions morales, — il se trouve placé, pour parler ma langue, par delà le bien et le mal. Les deux faits physiologiques qu’il prend en considération et sur les-