Page:La Société nouvelle, année 12, tome 1, 1896.djvu/177

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le plus souvent opposées. Beaucoup, et sans doute les plus vivants, les plus sincères, les plus jeunes, voudront se joindre à vous. Vous les recevrez sans doute avec un sentiment fraternel, mais, de grâce, ne vous laissez point par eux déborder et ne leur permettez pas d’introduire dans votre camp si compact leurs petites passions politiques, ambitieuses, décevantes et autoritaires. Ouvrez-leur une porte large : mais ne les recevez que sous la condition d’une franche acceptation de tout le programme de l’Internationale de leur part.

Permettez à un ami de vous prémunir contre un autre danger. Toute l’Italie pensante et sentante, saisie par une douleur immense, s’unit en quelque sorte aujourd’hui dans un sentiment d’adoration pour Mazzini. S’il n’y avait pas même d’autres preuves que celle-ci, elle suffirait à elle seule pour montrer combien l’Italie, au milieu de la décadence générale de l’Europe, est restée encore une nation grande et vivante. L’Italie s’honore et s’affirme dans le culte qu’elle rend à l’un de ses plus grands, à l’un de ses enfants et de ses serviteurs les plus passionnément dévoués. Quoi de plus naturel, que dans ce moment de douleur et d’enthousiasme suprêmes, mazziniens et internationaux italiens, les révolutionnaires bourgeois et les socialistes révolutionnaires, oubliant pour un moment toutes leurs dissidences passées, se tendent une main fraternelle. Mais, de grâce, au milieu même de cet embrasement patriotique, n’oubliez pas l’abîme qui sépare votre programme du programme des mazziniens. Ne vous laissez pas entraîner par eux — ce qu’ils ne manqueront certainement pas de tenter — à une entreprise pratique commune, conforme à leur programme et à leurs plans et modes d’action, non aux vôtres. Appelez-les à s’unir avec vous sur votre propre terrain, mais ne les suivez pas sur leur terrain à eux que vous ne sauriez accepter sans sacrifier et sans trahir cette grande cause du prolétariat qui désormais est devenue la vôtre. N’oubliez pas qu’entre la révolution bourgeoise qu’ils rêvent et la révolution sociale qui réclame aujourd’hui vos services, il y a réellement un abîme, non seulement quant aux buts qui sont essentiellement différents, mais aussi par rapport aux moyens qui doivent être nécessairement conformes à ces buts. En acceptant leurs plans d’action, non seulement vous ruineriez tout votre travail socialiste et vous arracheriez votre pays à la solidarité révolutionnaire qui l’unit, aujourd’hui, avec toute l’Europe, mais vous vous condamneriez vous-mêmes, avec tous ceux qui vous suivraient dans cette voie nouvelle et funeste, à une défaite certaine, à un fiasco sanglant et complet.

C’est un fait que toutes les expéditions entreprises et accomplies proprement par Mazzini, sans en excepter aucune, ont toujours échoué. Et pourtant qui osera dire que ces entreprises aient été inutiles ? Considérées dans