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pays, lorsqu’il y a eu développement et exubérance de la vie, de la pensée, de l’action créatrice et libre, il y a eu dissension, lutte intellectuelle et sociale, lutte de partis politiques et que c’est précisément au milieu de ces luttes et grâce à elles que les nations ont été les plus heureuses et les plus puissantes dans le sens humain de ce mot. Cette lutte n’a point ou presque pas existé dans les grandes monarchies asiatiques : aussi y a-t-il eu absence complète de développement humain. Voyez d’un côté la monarchie persane avec ses troupes innombrables et disciplinées, et de l’autre la Grèce libre, à peine fédérée, continuellement tourmentée par la lutte de ses peuples, de ses idées, de ses partis. Qui a vaincu ? C’est la Grèce. Quelle fut l’époque la plus féconde de l’histoire romaine ? Ce fut celle de la lutte de la plèbe contre le patriciat. Et qui est-ce qui a fait la grandeur et la gloire de l’Italie du moyen-âge ? Certes ce ne furent ni la papauté ni l’empire. Ce furent les libertés municipales et la lutte intestine des opinions et des partis. Napoléon III avait fini par endormir les luttes intestines en France, et par là-même il l’a tuée. Que le destin de votre belle patrie la garde d’une époque où tous les esprits seraient calmés et d’accord. Ce serait l’époque de sa mort.

Voyez comme les opinions peuvent être différentes. Beaucoup de démocrates italiens s’effrayent des divisions qui dans ces deux dernières années ont surgi au sein du parti démocratique et y voient les signes de la décadence de ce parti. J’y vois, moi, au contraire, le signe de sa résurrection et une garantie de sa puissance féconde et vitale. La « consorteria » n’est point divisée. — Est-elle plus vivante pour cela ? Tant qu’elle était encore divisée en certains…[1] elle conservait des restes de vie. Mais aujourd’hui qu’une touchante unité s’est établie dans son sein, et que cette concordance a encore envahi le parti de la gauche parlementaire, qui n’en est plus séparée que par des intérêts et des ambitions personnelles, ne sentez-vous pas que toute cette Italie officielle est bien morte. Eh bien ! il y a encore quelques ans, la démocratie italienne endormie dans l’uniformité harmonieuse des mêmes…[2], était sur le point de mourir. — Le socialisme lui a rendu la vie et par là-même a suscité dans son sein un immense développement de pensées et de tendances diverses, et par conséquent la lutte intestine, cette grande éducatrice de la force qui crée…

Je ne me fatiguerai jamais à le répéter : L’uniformité, c’est la mort. La diversité, c’est la vie. L’unité disciplinaire, qui ne peut s’établir dans un milieu social quelconque qu’au détriment de la spontanéité créatrice de la

  1. Mot illisible.
  2. Mot illisible.