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L’INDUSTRIE AU VILLAGE


L’agriculture et l’industrie, qui appartiennent maintenant à des domaines distincts, étaient sœurs autrefois ; naguère encore, on les voyait étroitement unies, alors que dans les villages on s’appliquait à toute sorte de métiers et que les habitants des villes ne dédaignaient pas les occupations agricoles. Ces villes, il est vrai, n’étaient souvent que des bourgs ; mais quand les cités du moyen-âge, devenues le berceau d’industries tenant à L’art de bien près, en vinrent à fournir d’objets de luxe leur riche clientèle, les artisans des campagnes se mirent à travailler pour les foules, sans abandonner pour cela leurs occupations rurales, comme le font encore les paysans russes. Mais à l’apparition des moteurs hydrauliques et à vapeur, des machines, le lien qui unissait la ferme à l’atelier se relâcha. Les usines s’installèrent dans les villes, se groupèrent dans les lieux où leurs produits s’écoulaient plus facilement, où la matière première et le combustible arrivaient en abondance, donnant naissance à de nouvelles agglomérations urbaines, tandis que les anciennes s’étendaient avec une surprenante rapidité. On déserta les champs : des milliers d’agriculteurs, forcés de quitter leurs chaumières, accouraient dans les villes pour y chercher de l’ouvrage, oubliant bientôt le sol que leur sueur avait fécondé Et devant cette floraison de l’industrie, on perdit de vue les avantages de l’ancien système qui permettait du moins à l’homme des champs de varier ses occupations, on laissa péricliter les petites industries qui prospéraient au village, on condamna sans retour toute fabrication qui n’avait pas l’usine pour foyer.

Le spectacle était certes merveilleux de cet accroissement subit du pouvoir de production ; mais combien funestes en ont été les conséquences, si l’on pense aux millions d’existences vouées désormais, par un travail au dessus des forces humaines, dans des conditions tout à fait anormales, à une misère sans précédents. Et comment sortir de cette impasse à moins non seulement de modifier complètement les rapports du capital et du travail, mais aussi, par une transformation radicale de l’industrie, associer