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CHAPITRE VI

Quelques emplettes.


Tout en parlant, nous sortions subitement du pays boisé et pénétrions dans une rue courte, que mon compagnon me disait tout de suite se nommer Piccadilly ; elle était bâtie de jolies maisons ; les parties basses de ces maisons, je les aurais appelées des magasins, s’il n’y avait pas eu pour moi cette difficulté, pour autant que je pouvais voir, que les gens ignoraient l’art d’acheter et de vendre. Des marchandises étaient exposées dans des étalages bien arrangés, comme pour tenter le monde d’entrer, et des gens s’étaient arrêtés pour les regarder ; il y en avait qui entraient et ressortaient avec des paquets sous leurs bras, tout à fait comme des acheteurs réels. Les deux côtés de la rue étaient recouverts par une élégante arcade pour protéger les passants, ainsi qu’il s’en rencontre dans quelques vieilles villes italiennes.

A peu près à moitié chemin, en descendant la rue, un immense monument du genre de ceux que j’étais maintenant préparé à voir, me montrait que nous étions dans un centre qui avait ses monuments publics spéciaux.

Dick me dit : « Ici, vous voyez, se trouve un marché sur un plan différent de la plupart des autres ; les étages supérieurs de ces maisons sont employées comme des salles pour les hôtes ; car des gens des environs, de la campagne ont l’habitude de s’assembler ici de temps en temps ; comme il y a beaucoup de monde dans la rue, ainsi que vous le verrez bientôt ; il y a des gens qui aiment la foule, quoique moi je ne peux pas dire que je l’aime. »

Je ne pouvais m’empêcher de sourire en voyant combien de temps une tradition pouvait durer. Ici se trouvait l’ombre de Londres, ayant toujours la prétention d’être un centre, — un centre intellectuel, pour ce que j’en savais. Cependant, je ne disais rien, excepté que je lui demandais d’aller très lentement, parce que les choses exposées dans les baraques étaient très jolies.

« Oui », continua-t-il, « ceci est un bon marché pour de jolies choses, et il est tenu principalement pour les plus belles marchandises ; dans le marché des maisons du Parlement, qui est tout près, on expose des choux, des navets, ainsi que la bière et les vins ordinaires.

Puis, me regardant curieusement : « Peut-être aimeriez-vous à faire quelques petites emplettes, comme on dit ? »

Je considérai alors mon ordinaire pantalon bleu, que j’avais eu tant d’occasion de comparer aux beaux atours des citoyens que nous avions