Page:La Société nouvelle, année 8, tome 1, 1892.djvu/627

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« Ah ! » dis-je, « sans doute vous vouliez éviter qu’ils aillent à la chambre des divorces ; mais je suppose que souvent celle-ci a à s’occuper d’affaires de ce genre. »


— « Alors vous supposez un non sens. Je sais qu’il y a eu des choses aussi folles que des chambres de divorce, mais considérez que toutes les causes qui y étaient plaidées avaient pour objet des querelles de propriété, et je crois, cher hôte », ajouta-t-il en souriant, « que quoique vous veniez d’une autre planète, vous pouvez voir au seul aspect extérieur de notre monde que des querelles concernant les propriétés privées ne peuvent avoir lieu parmi nous de nos jours. »


Il est vrai que mon voyage de Hammersmith à Bloomsbury, et toute la vie heureuse et tranquille dont j’avais aperçu tant de traces, sans compter même ce que j’avais vu en faisant mes achats dans le magasin, suffisait bien pour me montrer que « les droits sacrés de la propriété », comme nous avions l’habitude de les nommer, n’existaient plus. Aussi je restai silencieux pendant que le vieillard reprenait le fil de son discours :


« Eh bien, alors, des querelles au sujet de la propriété n’étant plus possibles, comment une chambre de divorce peut-elle encore s’occuper de ces sortes d’affaires ? Imaginez-vous une cour, imposant un contrat de passion ou de sentiment ? Si une chose pareille était nécessaire comme une reductio ad absurdum pour une sanction du contrat, une folie semblable vous le montrerait bien. »


Il se tut de nouveau pendant quelque temps, et puis dit : « Vous devez comprendre une fois pour toutes que nous avons transformé ces choses ; ou plutôt, que notre manière de les considérer s’est modifiée, comme nousmêmes avons changé ces derniers deux cents ans. Nous ne nous trompons pas. en effet, et ne croyons pas que nous pouvons nous débarrasser de tous les troubles qui entourent les rapports des sexes Nous savons que nous devons tenir compte du malheur qui vient de ce que l’homme et la femme confondent la différence entre les relations des passions naturelles et le sentiment, et l’amitié qui, quand les choses vont bien, adoucissent le réveil de la passion et de l’illusion : mais nous ne sommes pas si fous que d’ajouter une dégradation à ce malheur en nous livrant à de misérables chamailleries sur la vie et la position des intéressés, et en soumettant à un pouvoir tyrannique des enfants qui ont été le résultat de l’amour ou des désirs sensuels. »


De nouveau il songea un moment, et puis continua : « Le premier amour, pris à tort pour un héroïsme qui durera toute la vie, et qui bientôt diminue et se termine en un désappointement ; l’inexplicable désir que l’homme de l’âge mûr a d’être tout pour une certaine femme, dont il a idéalisé l’ordinaire bonté et l’humaine beauté en une perfection surhumaine, et dont il a