Page:La Société nouvelle, année 8, tome 1, 1892.djvu/629

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et de l’inconstance de la nature ou de notre propre besoin d’expérience, nous ne faisons pas la grimace et ne mentons pas. S’il doit y avoir une séparation entre ceux qui croyaient ne se séparer jamais, alors cela doit être : mais il n’est pas nécessaire d’avoir un prétexte pour rester unis, quand en réalité on ne l’est plus, et nous ne demandons pas à ceux non plus qui savent qu’ils en sont incapables de professer un sentiment éternel qu’ils ne peuvent éprouver réellement ; ainsi il est arrivé que quand cette monstruosité de désir vénal n’a plus été possible, il n’a plus été exigé. Ne me comprenez pas mal. Vous ne sembliez pas être choqué quand je vous ai raconté qu’il n’y avait pas de tribunaux pour faire des contrats de sentiment ou de passion, mais les hommes sont faits si curieusement, que peut-être vous le serez quand je vous dirai qu’il n’y a pas de code, d’opinion publique qui prend la place de ces tribunaux, et qui peut être aussi tyrannique et déraisonnable que l’étaient ceux-ci. Je ne dis pas que les gens ne jugent pas la conduite de leurs voisins, quelquefois, sans doute, injustement. Mais je dis qu’il n’y a pas de règles fixes invariablement conventionnelles par lesquelles les gens sont jugées ; pas de lit de Procuste pour allonger ou raccourcir leur esprit ou leur vie ; pas d’excommunication hypocrite que les gens sont forcées de prononcer, soit par une habitude inconsidérée, soit par une menace inexprimée ou par la moindre interdiction, s’ils sont lâches dans leur hypocrisie. Etes-vous choqué maintenant ? »


« Non, non, » disais-je, avec quelque hésitation. « Tout cela est si différent. »


— « En tout cas, il y a une chose dont je puis répondre : c’est que tous les sentiments qui existent, sont réels et généraux ; ils ne sont pas spéciaux à des gens très particulièrement raffinés. Je suisaussi très certain, comme jevous le disais, qu’il n’y a pas, à beaucoup près, une si grande somme de souffrance attachée à ces choses pour l’homme ni pour la femme que dans le temps. Mais excusez-moi d’être si prolixe sur ces questions ! Vous vous rappelez que vous demandiez à être traité comme un être venant d’une autre planète. »


— « En vérité, je vous remercie beaucoup. Maintenant, puis-je vous demander qu’elle est la position des femmes dans votre société ? »


Il rit de très bon cœur pour un homme de son âge, et dit : « Ce n’est pas sans raison que j’ai acquis la réputation d’être un érudit historien. Je crois comprendre que vous pensez au mouvement pour l’émancipation de la femme qui eut lieu au XIXe siècle ; je doute qu’aucun homme vivant maintenant puisse vous comprendre. »


« Bien », dis-je, un peu piqué par sa gaîté.


— « Bien, en effet, vous verrez que tout cela est une controverse morte