Page:La Société nouvelle, année 8, tome 1, 1892.djvu/630

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maintenant. Les hommes n’ont plus aucun besoin de tyranniser les femmes ni les femmes les hommes ; les deux cas avaient lieu dans ces vieux temps. Les personnes font ce qu’elles peuvent faire le mieux et ce qu’elles aiment le mieux, et les hommes ne sont pas jaloux ni mécontents. C’est un lieu commun si banal que je suis presque honteux de le répéter. »


— « Oh ! et la législation s’occupe-t-elle quelque peu de cela ? » Hammond sourit. — « Je pense que vous pouvez attendre la réponse à


cette question, jusqu’à ce que nous arriverions au sujet de législation. Il peut y avoir pour vous des nouveautés à apprendre à ce sujet-là aussi. »


— « Très bien, mais concernant cette question des femmes, j’ai vu à la maison des hôtes que les femmes servaient les hommes : cela ressemble un peu à une réaction, ne trouvez-vous pas ?


« Croyez-vous, » répondit le vieillard ? « Peut-être pensez-vous que tenir le ménage est une occupation peu importante, ne méritant pas de respect. Je crois que c’était l’opinion des femmes avancées du XIXe siècle et de leurs partisans mâles. Si c’est la vôtre, je recommande à votre attention un vieux conte populaire norvégien, appelé : Comment l’homme tenait la maison ou un titre de ce genre ; le résultat était celui-ci : après différentes tribulations, l’homme et la vache de la maison se balançaient chacun au bout d’une corde, l’homme suspendu à moitié chemin de la cheminée, la vache se balançant sur le toit, qui était, d’après la mode du pays, en chaume et construit en pente très basse vers la terre (1). Pénible pour la vache, je pense. Par exemple un accident pareil ne pourrait pas arriver à une personne aussi supérieure que vous l’êtes », ajouta-t-il, en riant sous cape.


J’étais quelque peu mal à l’aise sous ce sec sarcasme. Vraiment sa manière de traiter la dernière partie de la question me semblait un peu irrespectueuse.


« Allez, mon ami », dit-il, « ne savez-vous pas que c’est un grand plaisir pour une femme adroite de tenir une maison soigneusement, et de le faire de manière que tout son entourage soit heureux et lui en soit reconnaissant ? Et puis, vous savez, tout le monde aime à être soigné par un jolie femme. Et c’est une des formes les plus plaisantes de la flirtation ; vous n’êtes pas si vieux pour ne pas pouvoir vous le rappeler. Eh, moi je m’en souviens bien. »


Et le vieux camarade riait de nouveau dans sa barbe ; à la fin il éclata tout à fait de rire.


(1) Allusion à un conte norvégien dans lequel on conte les aventures d’un homme obligé par sa femme de tenir le ménage pendant que celle-ci vaque à des travaux plus nobles. L’homme, pour pouvoir, tout en restant à la maison, garder la vache, passe la corde qui retient celle-ci par la cheminée. Bientôt, la bête tirant d’un côté et l’homme de l’autre, ils se trouvent dans la situation dont parle Morris. (Note du traducteur.)