Page:La Société nouvelle, année 8, tome 1, 1892.djvu/663

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soutiennent ostensiblement, je ne le conteste pas ; mais, si vous écoutez les prêches dans les églises, le clergé se laisse aller à dire parfois et avec amertume qu’il n’y a plus de religion que pour les faibles, pour le peuple, pour les femmes, pour les enfants.

C’était fatal depuis le milieu du XVlI° siècle, où les rois, par le traité de Westphalie, ont les premiers secoué l’autorité religieuse, détruit la Juridiction ecclésiastique du pape entre les États, proclamé la liberté religieuse et laissé faire la presse pour défendre le nouvel ordre politique éclos de leur insubordination.

Ai-je besoin de vous démontrer davantage, Messieurs, l’anarchie croissante causée, depuis cette époque, par la presse et qui met en péril nos sociétés actuelles ?

Pensez-vous qu’il y ait encore, actuellement, possibilité d’empêcher d’examiner, dans une nation, les bases de la règle sociale, alors que la règle sociale, mise à la portée de tous, discutée par la presse, n’est que l’ensemble compliqué de lois et d’institutions découlées de a nécessité de protéger une hypothèse religieuse ?

Pensez-vous que plusieurs religions révélées, plusieurs sectes, dont les doctrines sont imprimées et répandues à foison, puissent vivre en contact sans combats perpétuels, à moins de s’éteindre toutes ensemble dans l’indifférence, dans la négation religieuse ?

Pensez-vous que les douanes soient encore un mo en suffisant de maintenir les nationalités, c’est-à-dire de maintenir des règles d’action, des droits différents, c’est-à-dire d’empêcher la communication et la comparaison des règles écrites différentes parmi les nations qu’elles séparent ? Pensez-vous que les Journaux, les livres, l’accroissement constant des chemins de fer, des télégraphes, des postes, etc., accroissement né de la presse, né de l’intelligence dont elle est le véhicule, ne sont pas autant de destructeurs des moyens des otiquesi

Pensez-vous que le matérialisme, c’est-à-dire la négation de toute sanction ultra-vitale des actions, de toute sanction autre que la force brutale, exposé dans les journaux, dans les revues, n’infecte pas, sous le nom de science positive, notre enseignement supérieur ?

Pensez-vous que l’instruction primaire, qu’elle soit soumise à une loi comme celle de 1884 ou à la loi de 1879, ne suffise pas pour répandre le besoin et la possibilité d’examiner dans les masses et pour y faire pénétrer tous les poisons anarchiques possibles ?

Évidemment, Messieurs, vous êtes d’accord avec moi, sinon sur toutes ces choses, au moins sur une bonne partie.

Mais j’ai réservé la plus grosse question pour la dernière.

Pensez-vous, Messieurs, que les masses qui maintenant commencent à s’entendre, à communiquer entre elles, à se réunir, à se syndiquer sous toutes les formes, pensez-vous, Messieurs, que les masses qui lisent maintenant les joumaux et même en rédigent, soient satisfaites de la répartition des richesses ?

Non, Messieurs, vous ne pouvez le penser, ou bien vous commettriez une grave erreur. La question qui nous est posée en ce moment, la revision de la Constitution, est l’expression, au contraire, de l’agitation des masses en vue d’obtenir un sort meilleur.

Ce qui les tente, ce n’est pas uniquement le plaisir de voter. C’est l’espoir que, par l’exercice du droit de vote, elles arriveront à constituer d’autres Chambres qui aborderont sérieusement et établiront législative ment des