Page:La Société nouvelle, année 8, tome 1, 1892.djvu/672

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Henry De Groux, depuis quelques mois à Paris, s’est heurté à bien des mauvais vouloirs et à nombre de difficultés.

Apprenons qu’ayant présenté son Christ aux outrages à l’appréciation du jury du Champ de Mars, les membres de ce jury ont refusé cette œuvre. De Groux est allé a l' « Union libérale » qui l’a mieux accueilli et qui, n’aurait-elle eu que le mérite de cette hospitalité, a beaucoup plus fait pour l’art que sa discourtoise et draconienne rivale.

Maintenant, qu’il nous soit permis de dire combien le succès qu’ont obtenu les œuvres de De Groux a favorisé la consécration de sa haute personnalité.

Le « sâr » Peladan a, ces temps derniers, organisé chez Durand-Ruel une exposition d’art, qu’il a baptisée « Salon de la Rose+Croix ».

Le but du « sâr » était de grouper des œuvres à tendances exclusivement mystiques ou religieuses, toiles, pastels, gravures, aquarelles et même des statues ou maquettes dont la réalisation satisfaisait son esthétique néo-platonicienne.

Notons le succès obtenu par cette exposition.

Parmi les peintres qui avaient prêté leur concours à la « Rose+Croix », il en était peu d’inconnus : Khnopff, avec des pastels, Henri Martin, Hodler, Th.-P. Wagner avaient envoyé des œuvres intéressantes, mais qui nous paraissent avoir déjà figuré dans de précédentes expositions : il faut citer de Filiger, des icônes de toute beauté ; Séon, outre un lot respectable d’études, nous montrait un portrait de Peladan, habillé d’une fabuleuse robe violette.

Le comte A. de La Rochefoucauld, avec quelques toiles de grandes dimensions, exposait un Ange de la Rose+Croix d’une coloration truculente, mais combien habile cette œuvre, ainsi que le tryptique de M. Maurra, dénommé l’Aurore, effaraient tout particulièrement le public.

La statuaire était représentée par M. Niederhausen, qui envoyait un groupe intitulé le Torrent et un buste de Paul Verlaine d’une désolante fidélité.

M. Rambaud, avec une Providence, statuette de marbre, et quelques maquettes de moindre valeur, était peut-être le seul statuaire intéressant parmi ses concurrents.

L’architecture avait aussi sa place : M. Albert Trachsel exposait des projets de monuments mathématiquement apocalyptiques, projets fort curieux en somme, mais dont on se plait à imaginer la réalisation dans quelque planète maudite.

Nous avons passé beaucoup de tentatives plus ou moins originales, nous en aurions parlé, mais la « Rose + Croix » a fermé ses portes, prématurément, avouons-le. La Rose + Croix est morte et le thaumaturge qui l’avait fondée a tout récemment diverti le pauvre monde, par sa brouille avec l’archonte général des Beaux-Arts, M. A. de La Rochefoucauld. Ces jours passés, le schist-ne éclats terrible, la colère du « sâr » déborde sans mesure, l’archonte rebelle fut dépouillé de son titre, excomrnuníé sans merci, et envoûté (dit-on) par celui-là même qui l’avait accablé du fardeau de ses grâces.

M. Lebac de Boutteville a organisé une galerie spécialement destinée aux expositions des peintres symbolistes et impressionnistes. MM. Anquetin, Lautrec, Luce, Gausson, Augrand, Sbels lui ont confié leurs toiles. C’est là que Mme Joanne Jacquemin nous montre quelques pastels portant des titres pleinement suggestifs : le Calice, l`Ami, Ophélie, Séraphitus Séraphita.