Page:La Variété, revue littéraire, 1840-1841.djvu/6

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on ne les voit pas moins encourager avec une bienveillante sollicitude ceux qui se déterminent à la commencer, par cela même qu’elle est destinée à reproduire une des faces de l’activité humaine.

Mais on peut le dire, sans crainte d’être démenti, si l’œuvre est confiée à des jeunes gens, si les plumes qui doivent y concourir, sans avoir encore la maturité nécessaire pour s’élever à une mission scientifique, peuvent cependant se mettre déjà au service de toutes les inspirations généreuses, de toutes les nobles idées de morale et de religion, alors un intérêt plus particulier s’attache à leur travail. Quand même l’espérance qu’elles auraient fait naître ne serait pas égalée par les résultats, personne ne se repentirait de l’asyle hospitalier qu’il aurait ouvert aux vœux, aux sentiments de cette milice adolescente, à ces enfants de la croisade.

Quels sont donc et ces vœux et cette croisade intellectuelle ? Voilà ce qu’il faut vous dire :

Un magnifique symbole des vieux Persans est celui par lequel ils nous ont représenté toute la création abandonnée à deux divinités contraires, le génie du bien et le génie du mal. Notre mobile humanité passe de l’un à l’autre, suivant que l’un ou l’autre triomphe. Le bonheur et la souffrance, les vertus et les crimes, forment tour-à-tour notre partage. — Cette fable mythologique est l’histoire éternelle de notre conscience et de notre espèce. La nature intelligente de l’homme et sa nature passionnée n’étaient aux yeux de cet ancien peuple que les résultats de deux fatalités contraires. Le mythe s’est brisé ; mais la vérité dont il était l’image a survécu à sa destruction, et l’homme est resté, au jugement de la science, soumis à la double loi que le souverain Créateur lui impose, en ouvrant ses yeux à la lumière et son esprit à la pensée.

Mais s’il est dans nos destinées terrestres de ne pouvoir complètement nous dérober à la plus triste de ces deux lois, à celle qui nous réduit à être les serfs de la matière, du moins nous