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M. THIERS HISTORIEN.

Consulat et de l’Empire est bien celui des derniers volumes de la Révolution, aussi simple, aussi alerte, mais plus pur et plus plein. Il est parfaitement approprié, dans sa large simplicité, à la nature et à l’étendue de l’œuvre. M. Thiers avait des théories sur l’art d’écrire. Dès 1830, il les exposait très simplement dans le National, à propos des dictées de Napoléon. « Nous ne pouvons plus, disait-il, avoir cette grandeur tout à la fois sublime et naïve qui appartenait à Bossuet et à Pascal, et qui appartenait autant à leur siècle qu’à eux ; nous ne pouvons plus même avoir cette finesse, cette grâce, ce naturel exquis de Voltaire. Les temps sont passés ; mais un style simple, vrai, calculé, un style savant, travaillé, voilà ce qu’il nous est permis de produire. C’est encore un beau lot, quand avec cela on a d’importantes vérités à dire. Le style de Laplace dans l’Exposition du système du monde, de Napoléon dans ses Mémoires, voilà les modèles du langage simple et réfléchi propre à notre âge. »

Il y aurait beaucoup à dire là-dessus ; car enfin je ne sais pas comment Bossuet, Pascal et Voltaire eussent écrit en 1830, mais je sais bien qu’ils n’eussent pas écrit comme M. Thiers. Napoléon écrivait autrement que Laplace, et ni l’un ni l’autre n’écrivaient comme M. Thiers. Il n’y a pas qu’un langage propre à une époque. Il y a un langage propre à chaque écrivain de génie.

Vingt-cinq ans après, M. Thiers, revenant sur ces