Page:La Vie littéraire, I.djvu/278

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idées, exposait les principes de l’art d’écrire l’histoire dans la préface du 12e volume du Consulat ; il y comparait le bon style de l’historien à une grande glace sans défaut dont le mérite est de laisser tout voir sans paraître elle-même. Il reprit peu de temps après les mêmes maximes dans une lettre à Sainte-Beuve. « Je regarde, dit-il, à l’histoire des littératures, et je vois que les chercheurs d’effet ont eu la durée non pas d’une génération, mais d’une mode ; et vraiment ce n’est pas la peine de se tant tourmenter pour une telle immortalité. De plus, je les mets au défi de faire lire non pas vingt volumes, mais un seul. C’est une immense impertinence que de prétendre occuper si longtemps les autres de soi, c’est-à-dire de son style. Il n’y a que les choses humaines exposées dans leur vérité, c’est-à-dire avec leur grandeur, leur variété, leur inépuisable fécondité, qui aient le droit de retenir le lecteur et qui le retiennent en effet. »

Il était d’autant plus fidèle à son système, qu’il lui était imposé par son tempérament. Il disait : « J’écris l’histoire comme elle doit être écrite ; » en réalité, il l’écrivait comme il pouvait l’écrire. Sa façon était bonne, mais il se trompait en croyant qu’elle était la seule bonne. Plus d’un style convient à l’histoire. Celui d’Augustin Thierry y est parfaitement approprié. On en peut dire autant de celui de Guizot, qui est tout autre. Tacite et Michelet ne sont simples ni l’un ni l’autre, et ce sont tous deux de grands écrivains.