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ii
PRÉFACE.

parfois de me contredire. Il y a peu de temps, un excellent esprit, M. Georges Renard, a relevé quelques-unes de ces contradictions avec une indulgence d’autant plus exquise qu’elle feignait de se cacher. « M. Leconte de Lisle, avais-je dit un jour, doute de l’existence de l’univers, mais il ne doute pas de la bonté d’une rime. » Et M. Georges Renard n’a pas eu de peine à montrer nue cette contradiction, j’y tombais moi-même à tout moment, et qu’après avoir proclamé le doute philosophique je n’avais rien de plus pressé que de quitter la paix sublime du sage, la bienheureuse ataraxie, pour me jeter dans les régions de la joie et de la douleur, de l’amour et de la haine. Finalement il m’a pardonné et je crois qu’il a bien fait. Il faut permettre aux pauvres humains de ne pas toujours accorder leurs maximes avec leurs sentiments. Il faut même souffrir que chacun de nous possède à la fois deux ou trois philosophies ; car, à moins d’avoir créé une doctrine, il n’y a aucune raison de croire qu’une seule est bonne ; cette partialité n’est excusable que chez un inventeur. De même qu’une vaste contrée possède