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la vie littéraire.

Il la chasse comme décevante, impudique et dissolue, vendue aux puissants, courtisane aux gages des rois, ennemie des peuples, inique et fausse. Il la remplace par la statistique, qui est proprement « la science des faits sociaux exprimés par des termes numériques ». Plus de beaux récits, plus de narrations émouvantes, seulement des chiffres.

« Les historiens de l’avenir auront surtout pour tâche de recueillir et d’interpréter des données statistiques sur les faits de la vie commune. L’activité de la raison se résout toujours en actes, et l’unique manière de s’en rendre compte est, après les avoir classés par fonctions définies, de les constater au moment où ils s’accomplissent, de les dénombrer dans des conditions déterminées de population, d’époque et de territoire, puis de comparer ces relevés, simultanés où successifs, de noter les variations de la fonction et d’en tirer les inductions qu’elles comportent. Ainsi seulement on pourra savoir un jour ce que font les multitudes dont l’humanité se compose. »

Désormais, les seuls documents historiques seront les tables de population, les tarifs des douanes, les états de commerce, les bilans des banques, les rapports des chemins de fer. M. Bourdeau se flatte qu’ils tromperont moins que les témoignages invoqués par des historiens tels que Tacite ou Michelet. Il peut avoir raison, bien que la statistique soit elle-même soumise à beaucoup d’incertitudes. Il n’y a pas que les Muses qui mentent.

M. Bourdeau veut que l’histoire, exclusivement con-