Page:La Vie littéraire, II.djvu/167

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

sa première tragédie sur le théâtre de Bacchus, qui, adossé au rocher de Cécrops, était éclairé par de véritables rayons de soleil.

L’élève d’Anaxagore y montra les actions humaines sous un aspect nouveau. Il fit passer dans le drame la philosophie dont il s’était nourri. Le destin pesait jusque-là sur la tragédie et l’enveloppait d’une obscure épouvante. Une puissance insaisissable, inintelligible, extérieure aux hommes, qu’elle livre en proie les uns aux autres ; des héros gigantesques attendant dans une fière immobilité, dans une tranquille horreur, l’heure fatale de tuer ou de périr, des meurtres héréditaires, des égorgements pompeux comme des hécatombes, telles sont les images dont le vieil Eschyle épouvantait les yeux, oppressait les poitrines des spectateurs. Sophocle lui-même, le plus parfait des poètes, le plus pur des tragiques, avait conçu le destin comme une force indépendante de l’homme. Euripide vint et plaça le destin de l’homme dans l’homme même. Il détermina les mobiles des actes. Le premier, il montra tout l’intérêt du travail de la vie, toute la beauté de ces maladies de l’âme, plus chères mille fois et plus précieuses que la santé, je veux dire, les passions.

Ayant épousé Choerina, fille de Mnésiloque, il vivait en bonne intelligence avec son beau-père, qui était un homme excellent et lettré, mais il souffrait cruellement de la mauvaise conduite de sa femme. L’ayant perdue, il en épousa une autre qui le fit souffrir de même. Elle se nommait Melito. Une teinte de tristesse est répandue