Page:La Vie littéraire, II.djvu/274

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du gouvernement. Hélas ! nous n’avons pas gardé le secret de ce que nos pères appelaient « les fortes nourritures » . Nous n’élevons plus très bien nos enfants. On en sera moins surpris qu’affligé, si l’on songe que l’éducation est faite en grande partie de contrainte, qu’il y faut de la fermeté et que c’est ce que nous avons surtout perdu. Nous sommes doux, affectueux, tolérants, mais nous ne savons plus ni imposer ni subir l’obéissance.

Nous renversons tous les jougs. Le mot de discipline, qui s’appliquait autrefois à la direction de toute la vie, n’est plus aujourd’hui un mot civil. Dans cet état d’indépendance morale, il est impossible que le développement des facultés de nos enfants soit dirigé avec suite.

Quand on étudie (comme l’a fait M. Gérard dans un livre plein de sagesse et d’expérience) l’éducation des filles sous l’ancien régime, on reconnaît que les plus douces institutrices d’autrefois ne se contentaient pas de se faire aimer et qu’elles voulaient encore être respectées et même parfois redoutées. Les parents s’efforçaient alors de cacher leur tendresse. Ils eussent craint d’amollir leurs enfants en les caressant. L’éducation, selon leur sentiment, était un corset de fer qu’on laçait prudemment, mais de force. Dans les maisons de ces gentilshommes pauvres qui disaient fièrement avoir tout donné au roi, les vertus domestiques étaient encore des vertus militaires. Ils élevaient leurs filles comme des soldats, pour le service de Dieu ou de la famille. Le couvent ou une alliance honorable et profitable, tel