Page:La Vie littéraire, II.djvu/319

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

carton, vêtus de laine ou de satin, qui viennent de passer sous mes yeux en faisant des gestes réglés par les Muses. Mon amitié pour les marionnettes est une vieille amitié. Je l’ai déjà exprimée ici l’an passé. J’ai dit que les acteurs de bois avaient, selon moi, beaucoup d’avantages sur les autres. Et je suis très flatté de voir que M. Paul Margueritte, qui a le goût fin, l’amour du rare, le sens du précieux, est aussi fort partisan des acteurs artificiels et minuscules. Il a fait, à propos du Petit-Théâtre, un éloge ingénieux des marionnettes.

« Elles sont, a-t-il dit, infatigables, toujours prêtes. Et tandis que le nom et le visage trop connus d’un comédien de chair et d’os imposent au public une obsession qui rend impossible ou très difficile l’illusion, les fantoches impersonnels, êtres de bois et de carton, possèdent une vie falote et mystérieuse. Leur allure de vérité surprend, inquiète. Dans leurs gestes essentiels tient l’expression complète des sentiments humains. On en eut la preuve aux représentations d’Aristophane. De vrais acteurs n’eussent point produit cet effet. Là le raccourci ajoutait à l’illusion. Ces masques de comédie antique, ces mouvements simples et rares, ces poses de statue donnaient au spectacle une grâce singulière. » Je n’aurais point si bien dit, mais j’ai senti de même. J’ajoute qu’il est très difficile aux actrices et surtout aux acteurs vivants de se rendre poétiques. Les marionnettes le sont naturellement : elles ont à la fois du style et de l’ingénuité. Ne sont-elles pas les sœurs des poupées et des statues ? Voyez les marionnettes de la Tempête. La