Page:La Vie littéraire, II.djvu/385

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et des misères du temps. Ils sont pesants et maladroits. Mais-on y devine une joie grave, une pieuse allégresse ; un profond sentiment du bien public, qui nous les rendent, respectables et chers.

 Chose est bien digne de mémoire,

dit la poétesse recluse,

 Que Dieu par une vierge tendre
 Ait adès voulu— chose est voire (vraie),
 Sur France si grant grace estendre.
 Tu Jehanne de bonne heure née
 (Toi Jeanne, née en une bonne heure),
 Benoist (béni) soit cil (celui) qui te créa.
 Pucelle de Dieu ordonnée (envoyée)
 En qui le Saint-Esprit réa (fit rayonner)
 Sa grande grace ; et qui ot et a (et qui eus et as)
 Toute largesse de hault don.
 M’onc requeste ne te véa (refusa)
 Que te rendra assez guardon.
 (Et il te donnera assez grande récompense.)

Ce qui réjouit par-dessus tout la bonne Christine, c’est que le salut vienne d’une femme. Elle en est tout heureuse, sans en être le moins du monde surprise, car elle avait toujours mis très haut l’honneur de son sexe et s’était montrée toute sa vie fort entêtée des privilèges que l’esprit chevaleresque accordait aux dames. Pour elle, comme pour beaucoup d’âmes de son temps, une dame honnête, une jeune fille pure peut devenir, par la volonté de Dieu, supérieure au mal, plus forte que les archers et les murailles des villes. Les exemples d’une telle vocation ne lui manquent pas. Nourrie dans les lettres sacrées et dans les lettres profanes, elle connaît