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DE LA LANGUE BRETONNE.

a-t-il rien de semblable en aucune autre langue de l’Europe, et peut-on trouver entre des idiomes un lien de parenté plus étroit et plus fort ?

La comparaison des grammaires et des vocabulaires bretons et gaëls, en fait découvrir de nouveaux, et achève la démonstration : il est bien évident que toutes les expressions, que toutes les formes grammaticales communes au gaël-irlandais ou écossais, et au breton de Galles ou d’Armorique, appartiennent à l’ancienne langue celtique, et, qu’en réunissant leurs traits communs, on retrouvera ce qui faisait le fond de cette langue.

Quand j’ouvre les vocabulaires bretons et gaëls, je suis étonné du grand nombre d’expressions semblables employées par eux, pour reproduire l’ordre de la création : ils s’accordent d’une manière remarquable dans les noms qu’ils donnent au ciel, au soleil, à la terre, aux productions du sol, à l’air, au jour, à la nuit, aux oiseaux, aux animaux terrestres et aux poissons des mers[1]. Les différentes parties de la durée ne sont pas désignées d’une façon moins identique ; chacune de ses divisions, le moment fugitif, l’heure, le jour, la semaine, le mois, l’année, le siècle, l’âge, enfin le temps en général a son expression particulière, la même dans les quatre dialectes celtiques[2].

Ils représentent aussi Tordre de la société, avec les mêmes termes ; et l’identité de ces termes, pour le dire en passant, ne prouve pas seulement l’analogie du langage des nations celtiques ; elle prouve de plus celle de leur civilisation, car le vocabulaire d’une langue donne une idée parfaitement exacte de ce que possèdent en ce genre les peuples qui parlent cette langue, et de tout ce qui leur manque. S’ils ont le mot, c’est qu’ils ont la chose signifiée, et l’absence de l’un constate celle de l’autre. Parmi les éléments sociaux révélés par la langue celtique, je distingue très clairement l’état des personnes, les liens de famille, les degrés de parenté, la constitution de la nation ; les idées de territoire et de propriété ; les notions de droit, de justice, de loi, de jugement, en un mot de tout ce qui appartient à la magistrature [3].

  1. Le ciel. Gaël-écos., néam. Gallois, nev. Breton, nev, neñv et néañ.
    Le soleil. Gaël, soillse (pron. hoïlh. Gallois, hèül. Breton, héol.
    La terre. Gaël, tir. Gallois, tir. Breton, tir.
    Les forêts. Gaël, koilt. Gallois, koet. Breton, koet, ancienn.koit.
    L’air. Gaël, adhar (pron. aer). Gallois. awer. Breton, éar et er.
    La nuit. Gaël, nochd. Gallois, nos. Breton, nôz.
    L’oiseau. Gaël, eun. Breton ancien, evn. Breton moderne, eun.
    Le chien. Gaël, ku (pron. ki). Gallois, ki. Gallois, Breton, ki.
    Le porc. Gaël, torc’h. Gallois, tourc’h. Breton, tourc’h et torc’h.
    La vache. Gaël, boueac’h. Gallois, buc’h. Breton, beuc’h et bioc’h.
    Le poisson. Gaël, iesk. Gallois, pesk. Breton, pesk.
  2. L’instant. Gaël-écos., prib. Gallois, preid. Breton, préd.
    L’heure. Gaël, uair. Gallois, awr. Breton, heur.
    Le jour. Gaël, diugh. Gallois, deiz et di. Breton, di, de et deiz.
    La semaine. Gaël, seachduin (pron. sèzun). Gall., saith-hun (pron. seiz-hun). Bret., sizun.
    Le mois. Gaël, mios (pron. mis). Gallois, mis. Breton, miz.
    L’année. Gaël, bliadhna (pron. bliazna) et blien. Gallois, blynedd (pron. blenez). Breton, blizen, bloaz, blé et bloavez.
    Le siècle. Gaël, ket-bliadhna ou blien. Gallois, kañt blynedd. Breton, kañt-blizen et kañt-bloaz.
    L’âge. Gaël, aois. Gallois, oedd (pron. oez). Breton, oed et oad.
    Le temps. Gaël, aimsir. Gallois, amser. Breton, amzer.
  3. L’homme libre. Gaël, fear (pron. ver). Gallois, wr. Breton, gour, et our (en constr.)
    L’esclave ou serf. Gaël-écos., trailleil. Gallois, trailliad. Breton, truḻek.
    Le père de famille. Gaël, athair et t-athair (pron. tâd-er). Gallois, tâd. Breton, tâd.
    La mère. Gaël, mouim (pr. moumm). Gallois, mamm. Breton, mamm.
    Le fils. Gaël, mak (k pour p. Voy. p. 2). Gallois, mâb. Breton, mâp.
    Le frère. Gaël, brathair (pron. brazer). Gallois, brawdder (pr. brozer). Breton, breûr, anc. breuzr. Pl. breudeûr.
    Le cousin ou parent. Gaël, kintear (pron. keñter. Gall., kefnder. Bret., keñderv et keñder.
    La nation ou le peuple. Gaël, komunn. Gallois, komdeiz. Breton, komunn.
    Le pays. Gaël, bru (pron. brou.) Gallois, brô. Breton, brô et brou.
    Le territoire. Gaël, tir. Gallois, tir. Breton, tir.
    Le patrimoine. Gaël, duthchais (pron. dizgès). Gallois, digwéz. Breton, digouéz.
    Le droit. Gaël, fir (pron. vir). Gallois, gwir et wir (en constr.) Breton, gwir et wir.
    La justice. Gaël, firentachd (pron. virentes). Gallois, wirionez. Breton, wirionez.
    Les lois. Gaël, reuson (pron. reïzon). Gallois, reithiau et reisiou. Breton, reizou et reiziô.
    Le jugement. Gaël, bairn et bairneachd (pron. bernazh). Gallois, barn et barnédigaez. Breton, barn et barnédigez.