Page:La chanson de Sainte Foi d’Agen.djvu/86

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eut grande ruse, et il fut vaillant [500]. Il aima la dame et l’estima chèrement ; et elle de son côté l’aima on ne peut plus. Donc le vieux se prit à réfléchir comment il pourrait les chasser du royaume ; mais ce fut difficile à arranger [505]. Il fit armer Maximin, son fils ; il lui dit d’aller mander son ost. Les gens s’équipèrent pour cette expédition. Les Danois y vinrent et les Navarrais, les Nègres et les Maures et les fils d’Agar [510] et ceux de la tribu d’Issachar ; y vinrent aussi les hommes de Cédar et tous ceux du royaume de Salmanasar. Ensemble ils se mirent à chevaucher et à faire concorder leurs efforts [515] pour aller mettre Marseille en pièces.


XLVI. — Il envoya ses lettres et ses courriers ; il manda ceux qui tiennent fiefs de lui : Bulgares, Grecs et Chaldéens, Marcomans et Macrobiens [520]. Les Satyres y vont avec les Iduméens, les Angles et les Scots avec les Chananéens. Saint Maurice lui amena les Thébains ; ce sont des hommes que Dieu aime. Le félon Juif en fit trahison [525] : il mit à mort le saint lui-même, chose horrible à dire. Si là se fût trouvé Judas Macchabée, Éléazar, ou Timothée, ou Sanson le Nazaréen, ou Josué, ou le petit Zachée [530], je crois que la partie n’eût pas été gagnée par lui.


XLVII. — Là il tua les saints à volonté : six mille et six cents y en meurent. On eût pu voir le champ rouge et sanglant ; beaucoup y perdirent leur jeunesse [535] ; le Rhône en crût du sang courant ; haute est la rive qui ne s’en ressent. Honte donne Dieu au vieux puant ! Puis il dressa très frauduleusement une embûche qui le rende maître de Constantin [540]. Celui-ci connut sa ruse et lui versa du même piment : il leur livra bataille tout aussitôt, enleva le vieux à ces gens-là, et le mit à Marseille sous leurs yeux [545] ; il le jeta en prison tout dolent. Sa fille lui fit un traitement qu’on ne doit pas faire à son père : elle le fit tuer et exposer au vent.


XLVIII. — Dioclétien est au perron [550] : il est irrité et ne sait comment. Devant lui jouent à l’escrime mille Esclavons. Il a le cœur enflé et félon : rien de ce qu’ils font ne lui agrée [555]. Il regarda très loin ; en une plaine il vit chevaucher un jeune damoiseau ; quand il fut devant lui, il l’interpelle. Celui-ci de tout ce qu’il sut ne lui cacha rien, car il le vit irrité comme un lion [560] : « Vous avez perdu le compagnon grâce à qui vous prisaient