Page:La chanson française du XVe au XXe siècle.djvu/9

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images familières au terroir, se module selon l’accent de la race, se plie à ses rythmes consacrés ; il se transmet de village en village et de siècle en siècle, ne se transformant que pour mieux s’adapter. C’est par cette collaboration séculaire que le peuple, grand artiste inconscient, a créé la chanson, qui n’est l’œuvre de personne parce qu’elle est l’œuvre de tous. Et c’est parfois un chef-d’œuvre, où l’expression spontanée du sentiment peut atteindre du premier coup à la pure beauté littéraire. Montaigne le sentait bien quand il écrivait : « La poésie populaire et purement naturelle a des naïvetés et grâces, par où elle se compare à la principale beauté de la poésie parfaite selon l’art : comme il se voit ès villanelles de Gascogne et aux chansons qu’on nous rapporte des nations qui n’ont connaissance d’aucune science, ni même d’écriture. »

Telles sont les pensées qui ont guidé notre choix dans ce recueil des meilleures chansons françaises. Par les meilleures, nous avons entendu non seulement les plus parfaites de forme, mais aussi les plus caractéristiques, les plus représentatives de l’âme française aux différents moments de son histoire. Toutes les fois que nous avons reconnu à une chanson un réel mérite littéraire, nous avons tâché qu’elle pût avoir place dans ce livre. Mais il est bien rare que nous ayons rejeté une pièce de forme médiocre ou même vulgaire, si elle nous paraissait vraiment suggestive par sa signification psychologique ou historique. Il va sans dire que nous nous sommes résignés aisément à restreindre beaucoup la part de la gauloiserie. On aurait pu s’inspirer d’autres principes et faire un choix différent ; nous tenions seulement à dire que le nôtre n’a pas été fait au hasard. Si l’on trouve qu’il aurait pu être