Page:Noailles - La domination, 1905.pdf/292

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
285
LA DOMINATION

Tout le jour Antoine l’observe : elle brûle d’enthousiasme, elle a cette bouche pathétique, passionnée et langoureuse qui semble modelée par la musique. Une lueur profonde vient de son regard, et quand elle écoute, quand elle répond, c’est avec toute son âme ; Antoine la trouve belle et se défie d’elle. Quelle sécurité peuvent inspirer encore celles qui savent leur puissance ? Ce que l’homme ne possède jamais complètement, son orgueil, son âme, la gloire, le rêve qu’on se faisait d’un soir de juin à la villa d’Este, il s’en empare un instant et le touche sur la beauté des jeunes femmes bien-aimées. Et elles, qui savent que leurs cheveux, leurs yeux, leur bouche donnent l’extase, qu’on s’approche d’elles, qu’on rêve sur elles, qu’on les goûte, comme on goûterait une ville d’Orient resserrée, qui a sur un même point ses jardins et ses citernes, son arc de triomphe et ses places