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ment au Congo, suivant les localités. L’attribution à elle-même du droit intégral de propriété était probablement l’idéal de l’Association, qu’elle réalisa, par exemple, aux Stanley-Falls[1], mais, là où elle ne pouvait l’obtenir, elle rabattait de ses prétentions et pactisait avec les exigences des natifs, comme à Palaballa.

Convenons que ce n’était pas une tâche commode, que celle qui incombait à la diplomatie de l’Association internationale. Le nombre et le caractère des petits souverains, qu’elle devait amadouer et amener à composition, rendaient son travail très ardu. Stanley ne parle pas de moins de quatre cents traités conclus sous sa direction, au bas desquels plus de deux mille chefs avaient apposé leur marque, comme témoignage d’adhésion[2]. Si l’on tient compte, d’autre part, de la fertilité d’imagination de ces roitelets, pour inventer sans cesse de nouveaux subterfuges qui leur permissent de traîner les pourparlers en longueur, afin de lasser la patience des négociateurs européens, on comprendra quelle dose de persévérance et d’énergie il a fallu à ces derniers pour en venir à bout.

Cette multitude d’ayant droit prouve à quel point la domination est morcelée parmi les nègres de l’Afrique équatoriale, du moins en aval des Stanley-Falls. En amont de ces chutes, plus haut, dans l’Ouroua, les pionniers de l’État indépendant rencontreront une organisation sociale différente ; ils auront affaire à un souverain bien autrement puissant que ceux du bassin inférieur du Congo, et se trouveront en présence d’un système de gouvernement compliqué, qui offrira peut-être un obstacle sérieux à la conquête pacifique des arrivants. Mais, d’ici là, Léopold II aura eu le temps d’asseoir sa domination, et d’acquérir une expérience propre à faciliter l’extension à l’amiable de son ter-

  1. Stanley, p. 470.
  2. Stanley, p. 12.