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important dans la politique de l’avenir. J’ai le sentiment que nous assistons aux petits commencements d’une évolution remarquable, qui amènera tôt ou tard de grands changements dans les relations des hommes entre eux. Aussi les observateurs sagaces en suivront-ils, dès aujourd’hui, les phases avec sollicitude.

L’œuvre du roi des Belges n’a pas échappé à la loi commune ; elle a eu ses détracteurs, comme on pouvait s’y attendre. Que lui a-t-on reproché ? Les critiques qu’on lui a adressées peuvent être ramenées à deux principales : on a prétendu que le fondateur de l’État du Congo se faisait de grandes illusions, soit quant au pays, à peine entrevu, sur lequel il aspirait à régner, soit quant à ses moyens d’action ; puis on s’est plaint qu’il entourât ses opérations d’un mystère impénétrable.

Sur le premier point, Léopold II me paraît avoir, dès à présent, fourni la preuve qu’il ne se trompait pas. Ne voit-on pas sa création, fidèle à sa devise, « travail et progrès », se développer rapidement ? Je n’en puis faire ici, pour le démontrer, un tableau détaillé, mais la multiplicité croissante des services de navigation entre l’Europe et le Congo n’en est-elle pas, à elle seule, un témoignage sans réplique ? Si l’on tient compte des préventions et des obstacles contre lesquels il a fallu lutter, de l’immensité de la tâche entreprise et de la faiblesse relative des ressources disponibles, si l’on considère aussi que la fondation de l’État du Congo n’était pas secondée, comme celle d’une colonie, par l’appui d’une métropole[1], on est bien forcé de rendre hommage à la perspicacité, aux talents et à la persévérance de celui qui n’a pas craint d’en assumer la responsabilité. C’est pourquoi des voix discordantes ne s’élèvent plus guère, parmi les juges compétents et impartiaux.

  1. Mes appréciations sur les critiques de l’œuvre du Congo, par Wissmann, p. 5.