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garanties d’ordre, de sécurité et de bonne administration, dont il entreprend de doter le centre de l’Afrique ? »

J’ai été frappé aussi de la coïncidence qui existe entre la fondation toute récente de l’État du Congo, et les efforts des patriotes français pour propager leur langue à l’étranger. Cet État a pour chef un souverain de langue française, qui s’en sert pour tous les actes de son administration. Elle se trouve de la sorte devenue, comme par magie, l’idiome officiel d’au moins trente millions hommes qui ne la connaissaient pas. Ils ne la parlent pas encore, il est vrai, mais ils seront bien obligés de l’apprendre et de s’en servir, de préférence à toute autre, quand ils auront senti l’insuffisance de leurs dialectes actuels, pour entretenir des relations indispensables avec les blancs qui vivront au milieu d’eux.

Je n’ai pas l’intention de retracer, dans les pages qui vont suivre, l’histoire complète de la fondation de l’État du Congo. Ce serait un travail attrayant, assurément, mais dont les éléments appartiennent déjà, pour la plupart, au domaine de la grande publicité. Je préfère m’attacher exclusivement au point de vue juridique, dont l’importance n’est pas contestable et qui cependant a été peu considéré jusqu’ici. Il peut fournir, à lui seul, la matière d’une étude capable d’intéresser les membres de l’Académie.


II

NAISSANCE DE L’ÉTAT


Ce n’est pas sur le sol africain, comme on pourrait le supposer, que l’État indépendant du Congo a vu le jour. Il est né à Bruxelles. Penchées sur son berceau, trois fées bienfaisantes, la charité, la justice et la liberté, lui ont servi de marraines et ont mis entre ses mains leurs précieux talismans. La nombreuse famille des nations civilisées, qui s’attendait à cet événement et dans laquelle entrait le nouveau