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Page:La revue philosophique et religieuse, tome 6, 1856.djvu/17

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M. PROUDHON ET LA QUESTION DES FEMMES.

n’est ni associée, ni citoyenne, ni fonctionnaire. Dites-nous d’abord quelle nature il faut avoir pour être tout cela.

Révélez-nous la nature de la femme, puisque vous prétendez la connaître mieux qu’elle ne se connaît.

Révélez-nous sa destination, qui apparemment n’est pas celle que nous lui voyons ni qu’elle se croit.

Vous affirmez que la femme, jusqu’à son mariage, n’est dans l’atelier social qu’apprentie, tout au plus sous-maîtresse ; qu’elle est mineure dans la famille et ne fait point partie de la cité.

Prouvez alors qu’elle n’accomplit pas dans l’atelier social, dans la famille, des œuvres équivalentes ou égales à celles de l’homme.

Prouvez qu’elle est moins utile que l’homme.

Prouvez que les qualités qui donnent à l’homme le droit de citoyen n’existent pas chez la femme.

Je serai sévère avec vous, Monsieur, sur ce chapitre. Subalterniser la femme dans un ordre social où il faut qu’elle travaille pour vivre, c’est vouloir la prostitution : car le dédain du producteur s’étend à la valeur du produit ; et quand une telle doctrine est contraire à la science, au bon sens, au progrès, la soutenir est une cruauté, une monstruosité morale. La femme qui ne peut vivre en travaillant ne peut le faire qu’en se prostituant : égale à l’homme ou courtisane, voilà l’alternative. Aveugle qui ne le voit pas.

Vous ne voyez d’autre sort pour la femme que d’être courtisane ou ménagère. Ouvrez donc les yeux et rêvez moins, Monsieur, et dites-moi si elles sont uniquement ménagères ou si elles sont courtisanes toutes ces utiles et courageuses femmes qui vivent honorablement :

Par les arts, la littérature, l’enseignement ;

Qui fondent des ateliers nombreux et prospères ;

Qui dirigent des maisons de commerce ;

Qui sont assez bonnes administratrices pour que beaucoup d’entre elles dissimulent ou réparent les fautes résultant de l’incurie ou des désordres de leurs maris.

Prouvez-nous donc que tout cela est mal ;

Prouvez-nous que ce n’est pas le résultat du progrès humain ;

Prouvez-nous que le travail, cachet de l’espèce humaine, que le travail que vous considérez comme le grand émancipateur,