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Page:La revue philosophique et religieuse, tome 6, 1856.djvu/20

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REVUE PHILOSOPHIQUE ET RELIGIEUSE.

personnalité, qui tend invinciblement à se différencier, à se rendre indépendante, à conquérir sa liberté et son caractère. »

Prouvez donc que les femmes n’ont pas des travaux spécialisés, et si les faits vous démentent, reconnaissez que fatalement elles vont à l’indépendance, à la liberté.

Contestez-vous qu’elles soient vos égales parce qu’en masse elles sont moins intelligentes que les hommes ? D’abord, je le conteste, mais je n’aurais nul besoin de le contester ; c’est vous même qui allez résoudre cette difficulté à la page 292 de la Création de l’ordre dans l’humanité :

« L’inégalité des capacités, quand elle n’a pas pour cause les vices de constitution, les mutilations ou la misère, résulte de l’ignorance générale, de l’insuffisance des méthodes, de la nullité ou de la fausseté de l’éducation, de la divergence de l’intuition par défaut de série, d’où naissent l’éparpillement et la confusion des idées. Or, tous ces faits producteurs d’inégalité sont essentiellement anormaux, donc l’inégalité des capacités est anormale. »

À moins que vous ne prouviez que les femmes sont mutilées de nature, je ne vois pas trop comment vous pouvez échapper à la conséquence de votre syllogisme : non-seulement l’infériorité féminine a les mêmes sources que l’ignorance masculine, mais l’éducation publique leur est refusée, les grandes écoles professionnelles fermées ; celles qui par leur intelligence égalent les plus intelligents d’entre vous ont eu vingt fois plus de difficultés et de préjugés à vaincre.

Voulez-vous subalterniser les femmes parce qu’en général elles ont moins de force musculaire que vous ; mais à ce compte les hommes faibles ne devraient pas être les égaux des autres, et vous combattez cette conséquence vous-même en disant à la page 57 de votre premier mémoire sur la propriété :

« La balance sociale est l’égalisation du fort et du faible. »


Si je vous ai ménagé, monsieur Proudhon, c’est parce que vous êtes un homme intelligent et progressif, et qu’il est impossible que vous restiez sous l’influence des docteurs du moyen âge sur une question, tandis que vous êtes en avant de la majorité de vos contemporains sur tant d’autres. Vous renoncerez à soutenir une série logique sans fondement, vous rappelant