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Page:La revue philosophique et religieuse, tome 6, 1856.djvu/21

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M. PROUDHON ET LA QUESTION DES FEMMES.

comme vous l’avez si bien dit à la page 201 de la Création de l’ordre dans l’humanité :

« Que la plupart des aberrations et chimères philosophiques sont venues de ce qu’on attribue aux séries logiques une réalité qu’elles n’ont pas, et que l’on s’est efforcé d’expliquer la nature de l’homme par des abstractions. »

Vous reconnaîtrez que toutes les espèces animales supérieures se composent de deux sexes ;

Que dans aucune la femelle n’est l’inférieure du mâle, si ce n’est quelquefois par la force, qui ne peut être la base du droit humain ;

Vous renoncerez à l’androgynie, qui n’est qu’un rêve.

La femme, individu distinct, doué de conscience, d’intelligence, de volonté, d’activité, comme l’homme, ne sera plus séparée de lui devant le droit.

Vous direz de toutes et de tous comme à la page 47 de votre premier mémoire sur la propriété : « La liberté est un droit absolu, parce qu’elle est à l’homme comme l’impénétrabilité est à la matière, une condition sine quâ non d’existence. L’égalité est un droit absolu, parce que sans l’égalité il n’y a pas de société. »

Et vous monterez ainsi au second degré de la sociabilité, que vous définissez vous-même « la reconnaissance en autrui d’une personnalité égale à la nôtre. »

J’en appelle donc de M. Proudhon grisé par le théologisme à M. Proudhon éclairé par les faits et la science, ému par les douleurs et les désordres résultant de sa propre doctrine.

J’espère que je ne rencontrerai pas sa massue d’Hercule levée contre la sainte bannière de la vérité et du droit ; contre la femme, cet être si faible physiquement, si fort moralement, qui, sanglante, abreuvée de fiel sous sa couronne de roses, achève de gravir la rude montagne où bientôt le progrès lui donnera sa légitime place à côté de l’homme. Mais si mon espoir était déçu, entendez le bien, monsieur Proudhon, vous me trouveriez ferme sur la brèche, et quelle que soit votre force, je vous jure que vous ne me renverseriez pas. Je défendrais courageusement le droit et la dignité de vos filles contre le despotisme et l’égarement logique de leur père, et la victoire me resterait, car en définitive elle est toujours à la vérité.

Jenny P. d’HÉRICOURT.