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« Le Chant de la Paix »

de crainte, elle franchissait de nouveau les allées de ce splendide jardin où leurs amours avaient commencé. Là à la faveur de l’obscurité de la nuit, elle put contempler l’éclat féerique de toutes ces lumières qui ornaient le château pour la réception donnée en son honneur. De nouveau heureuse et malheureuse tout à la fois, c’est avec une extrême lenteur qu’elle s’avançait, éprouvant une certaine répulsion à pénétrer dans ce château. L’éblouissement de cette fête lui donnait le vertige et vu son état d’âme, elle préférait passer inaperçue. Elle contourna donc le grand escalier de marbre et s’enfonça dans le sentier qui longeait le château pour arriver bientôt à l’entrée réservée aux domestiques. Elle sonna… Presque aussitôt la porte s’ouvrit et la vieille servante en l’apercevant, s’écria :

— Mademoiselle, mais quelles raisons vous ont forcée à choisir cette entrée obscure ? Je vous assure que la baronne en éprouvera certainement une profonde déception, c’est en votre honneur, chère enfant, que le château a pris en ce moment ce somptueux aspect de fête.

— Vraiment, reprit Rita, toute surprise, mais, madame, je suis indigne d’un si grand honneur.

— Ne parle pas ainsi, Rita, s’écria la baronne qui, en passant par hasard, avait entendu et reconnu sa voix. Vraiment si je n’étais pas ivre du bonheur que me cause ton retour après une si longue absence, je te gronderais sûrement pour ta manière d’agir en cette circonstance, mais je suis trop heureuse, continua-t-elle en la pressant sur son cœur et l’embrassant avec tendresse.

Rita frissonna sous l’effet de ce baiser affectueux. Son âme se révoltait à la pensée qu’un jour le destin briserait peut-être à jamais cette amitié, et que forcée par son amour, elle semblerait payer d’ingratitude tous les bienfaits que lui prodiguait sa protectrice.