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Roman illustré du « Soleil »
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Il serait Inutile de chercher à décrire ce que Rita ressentit en écoutant le terrible aveu. Il n’existe pas de mots pour traduire une telle douleur… Retournant en titubant à la petite table de toilette qu’elle avait quittée, ce fut avec terreur qu’elle entendit une salve d’applaudissements retentir ; elle comprit que Jean Desgrives et Lucia venaient de prendre leur loge, que le moment était venu pour elle d’apparaître sur la scène. Elle essaya de se lever, mais ses jambes refusèrent de la supporter et lourdement elle retomba sur son siège. Comme en ce moment, la douleur était trop vive pour déclencher des sanglots, ce fut un cri de rage impuissant qui s’échappa de ses lèvres. Désespérément elle se sentit terrassée. Pendant un long moment, elle demeura ainsi accablée, mais, comme le soldat qui sent son courage s’éveiller à l’appel du clairon, son âme d’artiste lui fit retrouver comme par miracle son énergie, lorsque la foule anxieuse de l’entendre fit de nouveau éclater de frénétiques applaudissements : et tant bien que mal, elle atteignit enfin la rampe. Saluant l’auditoire qui l’acclamait à outrance, sa voix divine et enchanteresse s’éleva. Aussitôt le silence le plus profond se fit, car jamais un chant ne parût plus beau. On sentait que c’était une âme qui vibrait. Sa voix d’une puissance extraordinaire, laissait exhaler en ce moment toute l’amertume de son cœur brisé. Lorsqu’elle eut achevé sa dernière chanson, que le rideau de velours l’eut dérobée aux yeux de la foule, au comble de l’enthousiasme, Jean se retourna vers la baronne, et après avoir fait approcher un page porteur d’un magnifique bouquet de roses, il lui dit :

— Lucia, je serais très heureux que ces fleurs fussent remises à Rita qui s’est surpassée ce soir. Comme vous savez, je ne peux, de vive voix, lui transmettre tous mes hommages, me devant de quitter le châ-