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fin de roman

tu pouvais m’affirmer que tu as rompu cet attachement de péché, je serais l’homme le plus heureux au monde.

Il parlait avec chaleur, avec conviction.

— Imagine-toi la joie que j’éprouverais si, lors de ma première messe, je pouvais, après avoir consacré l’hostie, te donner la sainte communion, si tu pouvais recevoir le pain sacré des mains de ton fils devenu oint du Seigneur. Oui, songe donc avec quelle allégresse je monterais à l’autel pour célébrer le divin sacrifice, avec quelle ferveur j’implorerais pour toi la clémence de Dieu si je savais que tu as renoncé à cet attachement coupable.

Elle l’écoutait et malgré les révoltes de son cœur, elle éprouvait un grand besoin de s’immoler, elle sentait qu’elle ressentirait une cruelle volupté à sacrifier son amour, à donner cette grande joie à son fils.

Il continua : Crois-moi, je serais prêt à donner ma vie en échange de ton salut éternel. Ma vocation de prêtre resterait stérile si je ne parvenais pas à te sauver. C’est mon plus cher et mon plus grand désir de te savoir en paix avec notre divin Maître.

Lorsque le fils s’arrêta de parler, il regarda longuement sa mère. Il était visible que ses paroles avaient produit en elle une profonde impression, mais il ne voulait pas lui arracher une promesse par surprise, il voulait lui laisser le temps de penser et de réfléchir à ce qu’il lui avait dit. D’ailleurs, il n’espérait pas avoir arraché en quelques minutes du cœur d’une femme un sentiment vieux de vingt ans.

— Pense à ce que je t’ai dit. Je reviendrai te voir sous peu. En attendant, je vais prier Dieu pour qu’il te donne la force de briser le lien qui te tient attaché à cet homme.

Et il sortit.