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fin de roman

hâte vers l’appartement de son ami. Il lui semblait qu’elle courait vers le refuge, vers le salut. Pourquoi, oh, pourquoi avait-elle agi ainsi lors de cette catastrophe ? Revoir l’ami, se jeter dans ses bras, sentir sa chaude étreinte et oublier le tragique de sa vie ! Ses pas se précipitaient. Elle arriva devant la maison, grimpa rapidement, le cœur battant, les degrés du perron et sonna. D’avance, elle s’imaginait le revoir. La porte s’ouvrit. Une grande et grosse femme aux cheveux blancs coupés courts, tout frisés, et enveloppée dans une robe d’intérieur en satin rose qu’elle paraissait étrenner se dressait devant elle.

Devant cette apparition inattendue, Mme Louye fut si surprise, si interdite, qu’elle restait là sans paroles, comme médusée.

— Madame désire ? interrogea l’étrangère après un moment d’attente.

— Je voudrais voir M. Paul Amiens.

— Mon mari est sorti il y a dix minutes, répondit la grande et grosse femme aux cheveux blancs tout frisés, enveloppée d’une robe en satin rose.

À ces mots, tout croula dans l’esprit de Mme Louye. C’était la brutale catastrophe qui broyait son existence. Désormais, tout était fini pour elle. Son fils était mort et son vieil ami, l’homme aimé, avait repris l’épouse alcoolique qui l’avait abandonné vingt ans auparavant.

Au seuil de la vieillesse, elle restait seule, seule…

Et misérable au delà de toute expression, elle redescendit lentement, lourdement, les degrés du perron…