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IMAGES DE LA VIE

Que les heures sont longues !

Voici le soleil qui entre à flots par la fenêtre. C’est le printemps hâtif qui s’en vient. Les rameaux des arbres sont luisants et semblent gonflés de sève. Immobile, un moineau se chauffe sur une branche. Des voitures passent et les grelots des attelages tintent allègrement.

La fièvre a un peu diminué. Je me regarde dans un petit miroir. Dieu, quels dégâts ! C’est comme si le feu avait passé par là. Ce nez calciné, quelle caricature !

Étendu entre les draps, sans volonté, sans ressort, sans désir, je suis une lamentable loque humaine.

Les heures coulent, monotones.

Tant que dure le jour, la situation est supportable, mais lorsque vient le soir, lorsque les ténèbres obscurcissent le ciel et envahissent la chambre, la fièvre s’abat sur moi et m’envahit comme un mauvais souvenir qui, à cette heure trouble et sombre, revient me ronger comme un accès de folie.

Pendant la soirée, la cloche sonne. Un visiteur demande à voir le malade. L’inquiétude me prend. Tout vêtu de noir, solennel et grave, un homme s’avance vers mon lit. Il me semble voir un entrepreneur de pompes funèbres venant prendre les mesures de mon cercueil avant même que je sois mort. Il me tend une large et forte main dans laquelle tiendrait la sympathie de toute une paroisse. Je n’en demande pas tant. Je ne suis pas si exigeant.

Malgré le geste amical de mon visiteur, je me recule dans mon lit. Il me rassure. Il a appris que j’étais malade, et il s’est dit qu’il viendrait me voir. Chaque matin, il inscrit sur son calepin la liste de ses amis et connaissances malades, et, le soir, sa journée finie, il va les voir. Ah ! s’il était riche, il ne ferait que cela visiter les malades ! Ce serait son plaisir. Je constate une fois de plus que tous les goûts sont dans la nature.

Le lendemain, une lettre si franchement sympathique et si amicale d’un vieux camarade m’apporte plus de réconfort et me fait plus de bien qu’une caisse de remèdes.