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LA SCOUINE

entendue, les Linche produisirent leurs livres, établissant le bien-fondé de leur réclamation. Deschamps fut condamné à payer le compte et les frais. Presque toute sa récolte d’orge y passa.

Jugement fut aussi rendu contre une centaine d’autres habitants dans des causes identiques.

Ils durent payer. Plusieurs furent obligés d’hypothéquer leur terre. D’autres ne purent faire leurs paiements annuels.

Des années plus tard, un commis des Linche payé huit piastres par mois, s’étant vu refuser une augmentation de salaire, déclara que la plupart des comptes apparaissant dans les livres du magasin étaient simplement des fraudes. Pendant six ans, ses patrons l’avaient tenu posté à une fenêtre de l’établissement. Comme il connaissait tous les gens de la paroisse, lorsqu’un fermier passait, vite il le signalait, et un secrétaire enregistrait son nom et l’inscrivait comme ayant acheté ce jour-là toute une série d’articles.

L’employé fut congédié, mais comme il avait proféré ses accusations devant plusieurs témoins, il fut arrêté et traduit devant la justice.

Le commis indiscret fit trois mois de prison pour avoir, dit le juge, diffamé ses patrons.

Quant à la rue, elle porte depuis, le nom de Rue des Espions, et personne n’y passe.