Page:Laberge - La Scouine, 1918.djvu/120

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
106
LA SCOUINE

parti de bonne heure au champ, était revenu pour atteler sur la charrue, mais à sa surprise, n’avait trouvé qu’un seul de ses chevaux. La bigote était parti en voiture avec l’autre pour aller assister à une messe en l’honneur de la bonne Sainte Anne. Elle n’était revenue que vers le milieu de l’après-midi et il avait dû l’attendre pour se mettre à labourer. D’un tempérament violent, il avait juré pendant presque tout ce temps, et à son arrivée, lui avait fait une scène terrible. Depuis, Malvina — c’était le nom de la femme de Raclor — ne prenait plus les chevaux pour aller à l’église, mais elle s’y rendait à pieds, et Raclor était souvent obligé par suite, de préparer lui-même son dîner. Il entrait alors dans des rages épouvantables.

Jamais aucun parti ne s’était présenté pour la Scouine, et elle était maintenant une vieille fille.

Pour tuer le temps et pour tromper l’oisiveté, elle faisait tous les matins, pendant l’été, la toilette du devant de porte avec un balai en branches de bouleaux. Le reste du temps, elle regardait passer les rares voitures qui s’apercevaient sur la route, inventait des prétextes pour aller chez les voisins, répandait des commérages, des cancans. Elle colportait d’une place à l’autre, ce qu’elle avait vu et ce qu’elle avait imaginé.

Avec cela, la Scouine était devenue amoureuse de la soutane. Non d’un prêtre en particulier, mais du vêtement. Elle était attirée par l’habit religieux comme d’autres femmes sont séduites par l’uniforme militaire.

Le dimanche, elle forçait Charlot à partir plus à bonne heure pour la messe afin d’aller passer un moment au presbytère. Dans ce but et, pour qu’il