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XI.



LES bessonnes avaient vingt ans. Deschamps ayant deux filles à marier planta devant sa porte deux poteaux auxquels les cavaliers pussent attacher leurs chevaux. Un dimanche, Raclor déjà en ménage depuis trois ans, vint présenter à ses sœurs un jeune fermier de la paroisse voisine. Caroline parut lui plaire, et il sollicita la permission de revenir. Elle lui fut accordée avec plaisir. Une semaine plus tard, Caroline le voyait arriver dans un beau boghei traîné par un fringant cheval noir. L’attelage, très propre, avait des boucles dorées qui reluisaient au soleil. En débarquant, l’homme jeta sur sa bête une jolie couverte blanche et violette.

Ce devait être un bon parti.

Et il apportait à sa blonde une bague en argent sur laquelle étaient gravés deux cœurs entre-croisés.

Le jeune homme continua ses visites. Au bout d’un mois, il tutoyait Caroline. Le vieux, cependant, n’aimait pas ses manières, avait peine à le tolérer.

Un soir, au milieu de la veillée, alors que Deschamps était couché, le galant souffla la lampe. Le père s’en aperçut, se leva et vint la rallumer. Il avait à peine regagné sa chambre, que, de nouveau, la lumière s’éteignit. Deschamps se releva, mais comme il allait passer sa culotte, il entendit le gars demander son chapeau. Les adieux furent très longs. Finalement, des pas résonnèrent sur les degrés de l’escalier et une grosse voix railleuse qu’on étouffait à demi ricana :