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LA SCOUINE

par les routes, glissait entre les vieux pommiers aux branches noires, éperdues, passait par-dessus les toits. Chacun devait être enfermé chez soi.

En arrière du crible, s’amoncelait le blé nettoyé, prêt à être envoyé au moulin, à être converti en farine.

Dans la cuisine, Mâço et la Scouine préparaient le dîner. Soudain, l’on heurta en avant, l’on ébranla la contre-porte.

Deschamps n’entendit pas. De nouveau et plus fort, l’on frappa, mais sans plus de succès. À un choc plus violent qui secoua les vitres, Deschamps surpris, cessa de tourner et alla ouvrir. Avant de détacher l’huis, il s’arrêta une seconde, se demandant quels étaient les enragés en route par un temps pareil. Finalement, il poussa le crochet, mais celui-ci tenait bon, et Deschamps flanqua un coup de pied dans les planches. Au-dessus de sa tête, le fer grinça en glissant dans l’œillet.

Enveloppés dans de lourds capots en chat sauvage et la figure à moitié cachée par leur crémone, trois hommes étaient sur la galerie, et deux voitures, une carriole et une traîne, étaient arrêtés à côté de la clôture du parterre. Deschamps reconnut avec étonnement M. Dubuc, curé de la paroisse, et deux marguilliers, Moïse Bourcier et le Grand Baptiste. De la main, il leur fit signe d’entrer, et les trois arrivants pénétrèrent dans la maison convertie en hangar. Si Deschamps avait été surpris de voir apparaître le curé, celui-ci l’était encore davantage de se trouver dans semblable pièce. Après avoir jeté ses mitaines sur le crible, il enleva son cache-nez et son casque de loutre, cependant que le fermier criait à sa femme et à sa fille d’apporter des chaises.