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LA SCOUINE

chaque pas, l’Irlandaise arriva à Charlot. Elle s’affaissa près de lui, les jupes trempées et boueuses, l’haleine puant l’alcool. Attisée par le genièvre, elle flambait intérieurement, et Charlot éprouvait lui aussi des ardeurs étranges. Ses trente-cinq ans de vie continente, ses nuits toujours solitaires dans le vieux sofa jaune, allumaient à cette heure en ses entrailles de luxurieux et lancinants désirs. Cet homme qui jamais n’avait connu la femme, sentait sourdre en lui d’impérieux et hurlants appétits qu’il fallait assouvir. Toute la meute des rêves mauvais, des visions lubriques, l’assiégeait, l’envahissait.

Une solitude immense et des ténèbres profondes, épaisses comme celles qui durent exister avant la création du soleil et des autres mondes stellaires, enveloppaient les deux êtres. La pluie battait la couverture de la grange, chantant sa complainte monotone, et la sempiternelle et lugubre plainte des grenouilles s’entendait comme un appel désespéré.

Alors Charlot se rua.

Et le geste des races s’accomplit.

Ce fut sa seule aventure d’amour.