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LE DESTIN DES HOMMES

modeste montant qui les dédommageait un peu de leur travail et leur donnait un avant-goût de ce qu’ils pouvaient espérer pour plus tard.

Non seulement M. Lafleur était un fervent de la boxe, mais il avait aussi des théories bien arrêtées sur cet art. Souvent il les développait pour le bénéfice de son protégé. Il lui faisait voir les avantages et les désavantages de chaque coup : moulinets, directs, uppercuts ou coups en retroussant, crochets, jabs ou petits coups répétés portés à la figure le bras tendu. Mais le coup préféré de M. Lafleur était celui porté en rabattant le poing, le coup de marteau, comme il disait. Pas compliqué, mais très effectif. Et il expliquait : « Un bon homme peut encaisser presque n’importe quel coup porté par un adversaire, mais si vous frappez le même homme avec un marteau, il va aller au plancher. Vous tâchez de porter de la gauche », disait-il, « trois ou quatre jabs qui taquinent votre vis-à-vis, puis, soudain, vous lui faites retomber votre droite en rabattant. Vous vous trouvez à le frapper avec toute votre force et tout votre poids. C’est comme si vous asséniez un coup de marteau dans la face de l’adversaire et vous lui fracassez le nez ou la mâchoire. Puissant comme vous l’êtes, l’homme croule au plancher comme le bœuf que le boucher frappe avec un maillet de fer. » Et, joignant le geste à l’explication, M. Lafleur tendait son bras gauche et portait quelques petits coups qu’il arrêtait à un pouce de la figure de Brisebois, puis il rabattait sa droite, qui frôlait de façon inquiétante le nez de l’élève.

Il y avait maintenant sept mois que le mineur Brisebois était sous la direction de M. Lafleur et il continuait de s’entraîner ferme. Ce fut à ce moment que les journaux annoncèrent que Frank Stanley, de Brooklyn, principal aspirant au titre de champion à cette époque, qui faisait