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LE DESTIN DES HOMMES

droite intervention de M. Lafleur. Une tempête de huées, de protestations, s’éleva dans la salle. Des spectateurs furieux de ce qu’ils considéraient comme une flagrante injustice, grimpèrent dans le rond et s’attaquèrent à l’arbitre, qui encaissa de rudes horions. Un désordre indescriptible régnait dans la salle. Autour de l’arène c’était une furieuse poussée, le public, enragé, voulant démolir le referee. La police intervint pendant que les spectateurs criaient aux membres de la commission de boxe de renverser la décision. Malgré les efforts de six ou sept constables, l’arbitre, ses habits déchirés et saignant au visage, fut bousculé en bas du rond où il reçut de durs coups de pied. Les policiers eurent toutes les peines du monde à l’arracher à la foule en furie et à le sortir de la salle.

Le verdict ne fut pas changé.

Une malheureuse erreur de jugement de son gérant était la cause de la défaite imméritée de Brisebois.

Cette nouvelle eut du retentissement, car les journaux exploitèrent le lendemain cette nouvelle, lui donnant toute l’importance qu’elle méritait. Dans La Voix du Peuple, Biron, tout en rejetant sur l’arbitre la plus large part du blâme, reconnut toutefois que M. Lafleur avait commis « une bévue monumentale » mais le quotidien Les Nouvelles fut plus sévère. « Gaffe impardonnable du gérant Lafleur » était le titre qui s’étalait sur toute la largeur d’une page de ce journal. Complètement ignoré dans cette entreprise, le chroniqueur sportif de cette feuille profitait de l’occasion de se venger du gérant de Brisebois. Et dans son article il déclarait carrément : « Brisebois n’a pas le tempérament d’un boxeur et n’en fera jamais un. »

Il y avait bien des gens désappointés :

Le boxeur Brisebois.

Le journaliste Biron.