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LE DESTIN DES HOMMES

maison ou en acheter une. Tu sers d’intermédiaire entre eux et tu te fais ainsi d’avantageuses commissions. Il s’agit pour toi de savoir parler et de convaincre le client.

— C’est une idée, une bonne idée, je crois, reconnut Massé.

Au bout de deux ans, les deux jeunes gens se séparèrent. Fagan retourna à Rochester et Massé à Formont. Là, ce dernier se fit faire un petit panneau portant l’inscription : Philémon Massé, agent d’immeubles, et le posa dans l’une des fenêtres du bureau de son père. L’autre vitrine portait une enseigne semblable avec le nom : Victor Massé, agent d’assurances.

Comme le lui avait dit son ami Fagan, il y avait toujours des gens désireux d’acheter une maison et d’autres d’en vendre une. Cependant beaucoup de ces transactions se faisaient directement de vendeur à acheteur et, malgré tous ses efforts, Philémon Massé réussissait tout juste à vivre. Il habitait avec ses parents, mais ceux-ci moururent à quelques mois d’intervalle, trois ans après que leur fils se fut lancé dans l’immeuble. Le père avait été désappointé du maigre succès de son fils. Souvent, en pensant à lui, alors qu’il était à Poughkeepsie, il avait cru qu’au contact des Américains il aurait acquis l’initiative et le talent des affaires. Toutefois, il avait dû admettre que tel n’avait pas été le cas et il était amèrement déçu. Bien des pères déplorent la même chose.

À la mort de son père et de sa mère, Philémon Massé se trouva à hériter d’une couple de mille piastres lentement amassées pendant bien des années. Pour lui, c’était une somme considérable. Il avait toujours songé à voyager. C’était là son rêve depuis bien longtemps. Il se dit alors qu’il allait le réaliser. Ce qu’il voulait, c’était de voir l’Angleterre, la France et l’Allemagne. Certes, il comptait bien