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LE DESTIN DES HOMMES

— Vous y trouverez un bon feu, annonçait Mme Dorion. J’ai allumé votre fournaise tout à l’heure. Demain midi, vous viendrez dîner avec nous, ajoutait Mme Dorion.

— Je vous remercie, mais c’est un repas de famille et je ne voudrais pas troubler votre intimité.

— Mais vous savez bien que vous êtes de la famille, répondait Mme Dorion.

— Alors, j’accepte. Merci d’avance.

— Vous avez là un beau manteau, déclarait d’un ton admiratif, Mme Dorion à son amie.

— Vrai, vous l’aimez ? Il est à votre goût ? Que je suis donc contente ! Grand merci d’avoir allumé mon feu.

Ce service et d’autres encore étaient largement récompensés. Les cadeaux que Mme Rendon distribuait aux enfants étaient plus beaux que ceux que le maire leur donnait lui-même. En voyant ces largesses inutiles, il souriait discrètement. Il était le seul homme riche du village, mais il continuait de travailler et d’économiser comme au temps où il ne possédait qu’un modeste avoir. Depuis longtemps, il savait que la fortune est volage et qu’il est bon d’avoir des économies si l’on veut vivre sans inquiétudes sur ses vieux jours. Parfois, lorsque la visiteuse était partie pour retourner à sa maison, le maire jetant un coup d’œil sur les présents apportés :

— Elle jette son argent, la pauvre femme. Mais elle en aura peut-être bien besoin un jour. Ce sont des choses qui se voient ça, remarquait-il en regardant sa femme.

— Tu sais, elle a besoin de dépenser. C’est en elle. Elle ne peut pas garder une piastre. Si elle ne nous faisait pas ces cadeaux, elle les ferait à d’autres, répondait sa compagne.