Page:Laberge - Le destin des hommes, 1950.djvu/80

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
78
LE DESTIN DES HOMMES

aimant à rire, joyeux compagnon, ayant une bonne figure, dépensant son argent sans trop compter, ce garçon âgé de vingt-six ans était fort populaire chez tous les propriétaires d’hôtels, de restaurants et d’épiceries avec qui il faisait affaires. On le voyait toujours arriver avec plaisir et, lorsqu’il partait, on lui disait de revenir sous peu. Ainsi, il avait une belle clientèle, faisait de bonnes affaires et prenait gaiement la vie.

La première fois qu’il vit Lucienne Lepeau elle lui plut tout de suite et, sans aucune gêne, il l’invita à aller faire un tour d’automobile. « Pas loin », dit-il, « juste prendre un verre de bière à un restaurant de la paroisse voisine ». Ils partirent et, tout de suite, il voulut montrer quel chauffeur expert il était. En dépit des règlements de la route, il filait à des vitesses de 70 à 75 milles à l’heure. L’on arriva à l’hôtel et, en les voyant, le patron fit conduire les deux visiteurs à un petit salon et leur fit servir deux bouteilles de bière. Raymond Lafleur vida son verre et, les lèvres encore tout humides de mousse, se leva, prit Lucienne dans ses bras et l’embrassa carrément sur la bouche. C’est ainsi qu’il était. Avec lui les choses ne traînaient pas en longueur.

Ainsi, rapidement, ils devinrent une paire d’amis.

— Bien, Raymond, je n’espérais pas te voir aujourd’hui.

— Tu sais bien, Lucienne, que je ne peux me passer de toi.

C’est ainsi qu’ils étaient. Chaque jeudi soir et chaque dimanche, Raymond Lafleur allait rendre visite à la jeune fille et, d’autres jours, il arrêtait la prendre en passant et ils allaient boire une couple de bouteilles de bière chez l’un des clients du garçon. Les parents de Lucienne, ses sœurs et ses beaux-frères s’informaient : Est-ce que c’est sérieux ?